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la prévoyance politique, ni bien entendu la sagesse philosophique, et nos pouvoirs publics ont certainement leur part dans cette récente recrudescence des conflits religieux. Depuis quelque temps, le gouvernement, qui aurait cependant, s’il le voulait, bien d’autres affaires, semble n’être occupé qu’à surveiller et à poursuivre des évêques. Après M. l’évêque de Mende, qui a passé le premier, c’est M. l’archevêque d’Avignon et ses suffragans ; après M. l’archevêque d’Avignon, c’est encore une fois M. l’archevêque d’Aix, et puis M. l’évêque de Nancy. On fait intervenir le conseil d’État pour prononcer des déclarations d’abus, on supprime par un acte sommaire les traitemens ! On menace l’épiscopat de toutes les foudres du pouvoir laïque ! Que peut gagner le gouvernement à cette guerre puérile et irritante ? Pour plaire à quelques radicaux dont il subit l’ascendant malfaisant, il s’expose à troubler les croyances, à raviver plus que jamais les inquiétudes religieuses. Voilà tout !

Oui, sans doute, le gouvernement commet par légèreté, par imprévoyance ou par faiblesse, la faute dont se défendait si vivement M. Thiers et qui n’a jamais porté bonheur à aucun pouvoir. Il ne peut gagner que l’appui éphémère et compromettant des passions de secte ; mais à parler franchement, que peuvent aussi gagner les évêques à des manifestations qui ressemblent plus ou moins à un retour offensif dans la politique ? Que s’est-il passé depuis quelques mois ? on ne le sait trop. Toujours est-il que, si les chefs de l’Église ont paru un instant s’adoucir dans leurs rapports avec les représentans de l’État, ils se sont sentis bientôt ressaisis par l’ardeur de la lutte, et sont un peu retombés dans le piège de la politique militante, sans calculer les conséquences de cette sorte de reprise d’hostilités. Veut-on immédiatement la preuve du danger qu’il y a pour les chefs de l’Église à se laisser entraîner dans les mêlées de la politique active ? Ce n’est point sans doute dans les affaires de foi et de dogme qu’il peut y avoir entre évêques un désaccord, une dissidence : sur ce point, l’union est complète. A peine touche-t-on à la politique, cependant, la division éclate. M. l’évêque de Langres, et il n’est pas le seul, recommande à ses prêtres de se renfermer dans les devoirs du sacerdoce, de s’abstenir de toute immixtion dans les affaires publiques. D’autres font de la politique dans leurs catéchismes, revendiquent le droit d’exercer leur autorité dans les élections, et ont même tout l’air de rétracter l’adhésion qu’ils avaient paru donner à la république. « Où prenez-vous, dit fièrement un prélat, que j’aie jamais fait acte d’adhésion à la république ? » Ainsi, les uns, retranchés dans le sacerdoce, se défendent de tout conflit avec les pouvoirs établis ; les autres semblent impatiens de combattre, publient des mandemens accusateurs, au risque de prolonger la malheureuse équivoque qui fait du clergé le complice de