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C’était un homme d’une instruction profonde, versé dans l’étude de la littérature ancienne et moderne et possédant une rare connaissance de celle de la France et de l’Allemagne. Il avait parcouru ces deux pays pour y chercher des émigrans spécialement compétens dans la culture de la vigne, afin qu’ils pussent enseigner leur art aux colons de la vallée du fleuve Hunter, où la vigne, introduite en 1791, donnait déjà d’excellens résultats, sur lesquels étaient fondées avec raison les plus grandes espérances. La colonie lui devait surtout l’introduction d’émigrans écossais choisis, dont le nombre augmentait d’année en année, attirés par les rapports de leurs prédécesseurs, les lettres et les publications constantes de Lang lui-même et les récits d’un changement bien réel, dénué de toute exagération, dans les conditions d’existence de leurs vigoureux et économes compatriotes établis aux antipodes. Écrivain distingué, polémiste ardent, républicain convaincu, Lang fit plus peut-être que tout autre, dans la période qui précéda l’établissement du gouvernement parlementaire en Australie pour sauvegarder les intérêts du peuple. Il fut aussi l’historien de son temps, historien compétent et véridique, auquel on doit cependant reprocher une tendance un peu trop marquée à condamner indistinctement tous les actes de ceux qui ne pensaient pas comme lui. Comme homme politique et comme historien, Lang occupe une grande place dans l’histoire de cette période de la formation des communautés australiennes. Ce fut avec ces hommes vaillans que Parkes fit son entrée en scène ; dès lors la cause du peuple fut gagnée et la constitution sauvée. Puis vint une autre question de politique locale dont la solution devait avoir une importance considérable pour les destinées du pays, celle de la cessation de la transportation criminelle et son corollaire le système d’assignation des convicts comme employés des colons libres. L’émigration des classes ouvrières fournissait à l’Australie tous les bras nécessaires à ses industries naissantes sans plus avoir recours à la main-d’œuvre pénitentiaire, laquelle donnait du reste des résultats avantageux sans doute pour la métropole, mais moralement désastreux pour la colonie. Le libre contact du forçat avec l’émigrant de la classe ouvrière n’était pas fait pour contribuer à l’élévation matérielle ou morale de ce dernier. A tous les points de vue, la cessation de la transportation criminelle devenait une nécessité absolue, et devant l’attitude décidée, voire menaçante de la population libre, le gouvernement anglais se vit contraint, en 1835, de cesser de déverser dans la Nouvelle-Galles du Sud le trop-plein des prisons du royaume-uni. Il le fit avec une bonne grâce d’autant plus remarquable qu’à cette époque les intérêts des colonies étaient généralement fort