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les éleveurs une question de coup d’œil, de « sentiment équestre » résultant d’une aptitude naturelle développée et dirigée par l’étude et par l’expérience.

L’influence de la consanguinité entre les reproducteurs a été très discutée. Nous n’avons pas qualité pour nous prononcer scientifiquement à ce sujet, mais nous sommes porté à croire que les inconvéniens qu’on a souvent reconnus, de même que les avantages qu’on a quelquefois signalés viennent plutôt de la similitude ou de la différence des tempéramens que de la parenté elle-même. D’après les observations que nous avons faites sur un certain nombre de chevaux et sur beaucoup de chiens, nous pensons que les Anglais abusent des accouplemens consanguins qu’ils appellent breeding in-and-in. Ils prétendent ainsi développer plus vite certaines qualités, et, en effet, ils y réussissent, mais l’excès de ces qualités entraîne des défauts, devient lui-même un défaut, puisqu’il rompt le juste équilibre des fonctions vitales. Le même danger existe, croyons-nous, lorsqu’on accouple deux individus étrangers l’un à l’autre, mais de même tempérament, et peut retarder, sinon compromettre, les progrès de l’élevage.

Or, lorsqu’il s’agit de choisir un étalon ou une poulinière, on s’occupe beaucoup de ses performances, un peu de sa conformation et pas du tout de son tempérament. Nous plaçant au seul point de vue de l’amélioration des produits, nous pensons qu’il y a, là encore, une question de physiologie sur laquelle on ne saurait trop appeler l’attention de l’administration des haras et celle des éleveurs et qui mérite d’être étudiée par les vétérinaires qui y trouveraient sans doute l’explication de nombreux cas de méchanceté, de rétiveté, etc., qu’on attribue faussement à des causes morales et qui, selon nous, sont purement pathologiques.

Le cheval arabe, aujourd’hui bien dégénéré, a servi à former une race, celle des chevaux de pur-sang, qui lui est bien supérieure comme taille, comme vitesse, et qui ne doit ses défauts, — irritabilité nerveuse, ossature moins développée, puissance musculaire et résistance à la fatigue moindres, — qu’aux mauvais accouplemens, à une sélection faite uniquement en vue de la vitesse sous un poids léger. De même, si des croisemens entre étalons de pur-sang et jumens de service ont mal réussi, cela tient surtout au mauvais choix des jumens, dont la conformation s’éloignait trop du type cherché, que leur état de santé, leur âge avancé, etc., rendaient plus ou moins impropres à la reproduction. C’est à ces causes qu’il faut attribuer le manque de qualité et de distinction de la plupart de nos trotteurs. Mais le croisement du pur-sang avec des jumens de demi-sang et le même croisement « à l’envers » donnent infailliblement des produits très améliorés. Ce n’est pas ces