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ceux qui dirigent un établissement d’élevage possèdent l’expérience qu’on acquiert par la pratique d’un métier ; il faut encore que leur intelligence ait été cultivée de bonne heure, qu’ils aient reçu une instruction première suffisante pour les mettre à même d’étudier avec fruit bien des choses que sans cela ils ignoreront toujours et de se tenir au courant de toutes les connaissances, — elles sont nombreuses et variées, — qui concernent leur profession.


II

La surveillance continuelle et intelligente dont nous avons parlé ne peut exister actuellement et n’existe en effet nulle part, faute d’une installation convenable.

Il faut d’abord que les prairies soient divisées en petits enclos d’un hectare environ, bien fermés et séparés entre eux par des allées permettant au propriétaire ou au directeur et à ses employés de circuler facilement partout et de visiter promptement tous les chevaux, qui doivent être classés avec ordre, comme des marchandises en magasin.

On prétend que les chevaux, surtout ceux dont on veut obtenir plus tard des allures rapides, ont besoin de vastes étendues pour que leurs mouvemens se développent en toute liberté. Nous n’hésitons pas à dire que ce système n’a que des inconvéniens. Ce n’est pas parce que les prairies seront vastes que les chevaux y prendront plus d’exercice, au contraire. Le plus souvent, ils se tiennent tous ensemble ou par groupes aux mêmes endroits, mangeant paisiblement, s’éloignant à peine de quelques pas, quelque fois se rapprochant pour se frotter l’un contre l’autre faute de pansage, caresses qui se terminent habituellement par un échange de coups de dents et de coups de pied ; rarement ils prennent un galop qui jamais ne dure bien longtemps ; si on les chasse, ils vont à cent mètres, puis s’arrêtent jusqu’à ce qu’on les ait rejoints et ainsi de suite, faisant courir l’homme qui les poursuit beaucoup plus qu’ils ne courent eux-mêmes. Lorsque parfois une cause quelconque les excite davantage, on les voit galoper en tas, avec des pétarades, puis ils s’arrêtent, quelques-uns éclopés, à l’une de leurs places accoutumées et se remettent à paître. L’exercice qu’ils prennent ainsi est donc fort insignifiant et beaucoup plus nuisible que profitable. Le sol sur lequel ils vivent souffre beaucoup de n’être pas entretenu comme il faudrait : l’herbe est tondue à certains endroits à ras de terre, tandis qu’ailleurs, où elle est tout aussi bonne, elle meurt sur pied sans que les animaux y touchent ;