Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais déjà bien près d’être épuisée, couler des flots abondans qui, habilement conduits, répandront de tous côtés la richesse.

Tant que les règlemens des courses ne seront pas changés, les propriétaires et les entraîneurs devraient du moins apporter une extrême attention à l’état de leurs poulains afin de les bien connaître, de juger quand ils sont prêts pour le travail et à quel travail ils sont aptes et de ne faire courir que ceux qui peuvent avec le moins d’inconvéniens prendre part à la lutte.

Dans les grands établissemens d’élevage, la direction est partagée entre l’entraîneur et le stud-groom, qui, malgré leur longue pratique et leur bonne volonté, n’ont pas les qualités nécessaires pour remplir leurs importantes fonctions et livrent tout à l’empirisme. Lorsqu’on interroge, par exemple, n’importe quel stud-groom sur la ration d’avoine que reçoit chaque poulain, il répond invariablement qu’on ne compte pas, « qu’on leur en donne autant qu’ils en veulent » et, en effet, si l’on assiste à la distribution, on peut constater qu’il en est ainsi… au moins ce jour-là. Il est aisé de s’imaginer d’après cela ce que doit être la note à payer par le propriétaire et quel avantage il y aurait pour lui et pour les animaux à ce que les rations fussent mesurées plus exactement. Si vous demandez au même stud-groom pourquoi l’on ne fait pas le pansage aux poulains, il vous répondra, non sans quelque pitié pour votre ignorance, que, si on le leur faisait, ils s’enrhumeraient dans les prés, dépériraient. Des hippologues ont même adopté cette manière de voir. N’est-il pas vraiment curieux qu’à la fin du XIXe siècle on professe encore de semblables opinions qui datent sans doute de l’époque lointaine où les vétérinaires enseignaient que le « vertigo, mal très dangereux, vient d’un ver qui prend naissance dans la queue et monte le long de l’épine du dos jusqu’à la tête ; » — « que, pour combattre les tranchées, il est bon de prendre une taupe de la main gauche, de la faire mourir dans la main, puis de frotter le ventre du cheval avec cette main mystérieuse, » et autres choses semblables ?

Quant aux jockeys, ils n’ont aucune notion des principes mêmes de l’équitation ; on les a mis de bonne heure à cheval et, ayant acquis, n’importe comment, de la solidité et de la hardiesse, ils se figurent être des cavaliers bien supérieurs à tous les maîtres de tous les temps. Ils arrivent même à le faire croire. En réalité, ils ne sauraient employer, ne les ayant jamais appris, les moyens qui conviennent pour dresser les jeunes chevaux. Cette ignorance peut seule du reste faire excuser les abus qu’ils commettent tous les jours, car ils sont incapables de comprendre et de sentir ce que peuvent ou ne peuvent pas faire les animaux qu’ils montent.

Pour être à la hauteur de leurs fonctions, il ne suffit pas que