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On lui tenait compte de ses bonnes intentions, de ses efforts pour relever les finances du pays, pour ressaisir un équilibre toujours fuyant. A peine les chambres ont-elles été en vacances, cependant, M. di Rudini s’est vu ou s’est cru obligé de porter au roi la démission du cabinet. Qu’était-il donc arrivé ? rien de plus que ce qui était inévitable. C’était la suite forcée, évidente de divisions dans le conseil, des contradictions dans lesquelles se débat le ministère depuis qu’il existe, depuis qu’il a accepté le lourd héritage de M. Crispi. Ce ministère Rudini en effet est arrivé au pouvoir avec la bonne volonté de résoudre un problème à peu près insoluble, avec la pensée de remédier à une situation financière et économique de plus en plus compromise, de rétablir les finances et le crédit de l’Italie par des économies, sans surcharger le pays de nouveaux impôts, — et de maintenir en même temps les dépenses militaires démesurées qu’impose la politique des grandes alliances. Naturellement il n’a pas réussi ou il n’a réussi tout au plus qu’à pallier temporairement le mal. L’accord n’était pas longtemps possible entre le ministre des finances réclamant à grands cris des économies, se refusant à toute dépense nouvelle, à toute proposition de nouveaux impôts, et le ministre de la guerre réclamant des crédits toujours croissans. Le jour où le conflit, en se précisant, est devenu plus aigu, la crise était inévitable ; elle a éclaté à l’occasion de nouveaux crédits militaires proposés pour le prochain budget. Le ministre des finances, M. Colombo, a résisté ; le ministre de la guerre, le général Pelloux, a persisté dans ses demandes. Le président du conseil s’est senti impuissant à concilier ce qui était en effet inconciliable, et il n’a trouvé rien de mieux pour en finir que de remettre ses pouvoirs au roi, qui à son tour n’a vu rien de plus simple que de charger le président du conseil de reconstituer son ministère. On remarquera que pas un instant on n’a eu au Quirinal la pensée de rappeler M. Crispi, que dès la première heure le roi Humbert a témoigné la volonté de garder son premier ministre de la veille.

C’est M. di Rudini qui a ouvert la crise, c’est lui qui a été chargé de la dénoncer. Malheureusement l’œuvre n’était pas aussi facile qu’on l’aurait cru, et c’est ici qu’ont commencé pour le ministre italien les difficultés et les déboires. Il a passé quelques jours à négocier, à traiter avec tout le monde, à tenter toutes les combinaisons. Au fond, c’est assez clair, M. di Rudini aurait eu, sans doute, du goût pour la politique des économies, d’une certaine réduction des dépenses militaires. Il s’est peut-être flatté un instant de trancher la question en écartant à la fois le ministre des finances, M. Colombo, et le ministre de la guerre, le général Pelloux. Il a cru presque avoir réussi à décider le général Ricotti à accepter certaines économies, à entrer au ministère de la guerre pour les réaliser ; il a appelé en consultation le chef de