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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.

Cette heure de fin de siècle où nous vivons, avec ses incohérences et ses violences, n’est certes pas belle ; elle n’est pas unique dans les annales de la société française. Non sans doute, nous n’avons pas le privilège des agitations, des instabilités, des anxiétés publiques, des crises politiques et sociales, il y a eu d’autres temps, même des temps aux dehors paisibles, qui ont eu leurs troubles profonds, troubles dans les esprits comme dans les mœurs.

Un écrivain aussi éclairé que sincère, qui achève en ce moment même une instructive Histoire de la monarchie de juillet, M. Thureau-Dangin, dans le dernier volume qu’il vient de publier, raconte justement qu’en 1847, en pleine paix apparente, l’ébranlement était partout, et dans le parlement et dans le gouvernement, et dans les idées et dans les faits, qu’il se manifestait par le désordre moral et par des incidens lugubres. « La société, comme une machine usée, se détraque, » disait l’un ; « on n’entend que des bruits sinistres, » disait l’autre. « Nous ne sommes peut-être pas près d’une révolution, écrivait le généreux Tocqueville, mais c’est sûrement ainsi que les révolutions se préparent. » Que parlez-vous de problèmes parlementaires, ajoutait-on comme moralité ; la question est de savoir « s’il y aura ou non un ordre social ! » Le roi Louis-Philippe lui-même enfin, prenant sa tête dans ses mains, disait : « Quelle confusion ! quel gâchis ! une machine toujours près de se détraquer ! Dans quel triste temps nous avons été destinés à vivre ! » Et le malheureux roi ne prévoyait pas même encore qu’avant un an, lui, sa couronne, le ministère qui le représentait, le