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moyens intimement liés avec les instincts, la constitution morale et l’organisation physique des enfans. Ces moyens font la puissance et la fécondité de l’enseignement qu’elles donnent et se résument dans les mots : excitation, activité, imitation, analogie, habitudes, acquisition des connaissances par intuition, culture des facultés par le mécanisme et les propriétés du langage.

Cette méthode, que Valade-Gabel appelle justement la méthode naturelle, il l’applique partout dans ce livre si pénétrant, digne d’être médité par les philosophes, par les grammairiens, par tous les hommes d’enseignement. C’est elle que recommande aussi et qu’applique l’excellent maître dont nous avons déjà cité le nom et le livre, M. l’abbé Tarra. Sa Méthode pour l’instruction des sourds-muets s’étend à tous les objets d’enseignement : la parole, le langage, l’arithmétique, la géographie, l’histoire, les notions de morale générale et civique, la religion, la gymnastique, le dessin, le travail manuel. Nous avons sous les yeux les récens programmes adoptés par les habiles professeurs de l’institution de Paris, les beaux tableaux, si clairs et si complets, que M. Javal a fait établir pour l’Exposition universelle de 1889. Nous avons lu, en outre, les savans articles que ces messieurs publient dans deux recueils[1] très interessans. Ils ont perfectionné, sur certains points, la méthode de Valade-Gabel et de l’abbé Tarra : pour l’esprit, pour les procédés, pour le fond des choses, ils se déclarent eux-mêmes les disciples de ces deux maîtres.

Suivons pas à pas, pour l’enseignement de la parole et de la langue, le plus important de tous, celui qui nécessairement précède tous les autres, les indications données par Valade-Gabel et par l’abbé Tarra. « Le sourd-muet, dit celui-ci, à son arrivée à l’école, n’est pas seulement ignorant de tout, il est peu préparé à recevoir l’instruction : il manque d’attention et de mémoire ; il apporte peu d’activité dans toutes les opérations de l’esprit ; il se montre ennemi de tout travail et de toute application des sens. C’est pourquoi, pour mettre ses sens et son esprit en état d’acquérir la parole, et cette acquisition nécessitant une attention constante, une minutieuse observation, une fidèle imitation des positions et des mouvemens des lèvres et de la langue, il convient de la faire précéder des exercices de gymnastique scolaire, imitative,

  1. La Revue française de l’éducation des sourds-muets, dirigée par M. Belanger, professeur à l’institution (1886-1890), et la Revue internationale de l’enseignement des sourds-muets, publiée sous le patronage de MM. Franck, de l’Institut, Godard, directeur de l’école Monge, docteur Ladreit de Lacharrière, médecin en chef de l’institution de Paris, Eugène Pereire, ancien député, E. Peyron, directeur de l’Assistance à Paris (1885-1890).