Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enseignant, mais une commission d’examen qui confère les grades. L’État-Libre dépense une somme relativement considérable pour encourager l’éducation, et il y a un bon établissement d’instruction secondaire à Bloemfontein, le collège Grey. Ses élèves passent leurs examens dans la colonie. Au Transvaal, l’instruction primaire n’existe pour ainsi dire que sous la forme privée, avec le concours pécuniaire de l’État. Il y a des commissions scolaires, une direction générale de l’enseignement ; mais le choix des instituteurs reste en fait abandonné aux familles. On n’a pas d’école normale ; l’inspection est illusoire ; la plupart des maîtres ne subissent aucune épreuve préalable à leur entrée en fonctions. La seule école secondaire est celle de Pretoria, et, là aussi, les jeunes gens se voient obligés de venir prendre leurs degrés au Cap, à moins qu’ils ne préfèrent se rendre en Europe.

L’université de Cape-Town, anglaise par son esprit, ses programmes, ses méthodes, échappe par l’indépendance de sa constitution à l’autorité du gouvernement local, à l’influence directe de l’afrikandérisme. C’est la vraie citadelle de l’influence britannique. Un jour devait venir où l’on s’attaquerait à ce dernier fort et où, ne pouvant y entrer, on voudrait en bâtir un en face. Pour obtenir les grades supérieurs, maître ès-arts, bachelier ou docteur ès-lois, docteur en médecine, — il faut aller à l’étranger. Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, les étudiants du Cap vont en Angleterre. Ceux du Transvaal choisissent plutôt la Hollande. Les uns reviennent un peu plus Anglais, les autres un peu plus Hollandais, tous moins afrikandéristes. On a donc songé à une université nationale. Cette idée préoccupait depuis longtemps les patriotes du Cap, quand le Volksraad transvaalien vota tout à coup, en 1890, un assez gros crédit pour en fonder une, naturellement à Pretoria. Cela causa quelque surprise. Comment le Transvaal pouvait-il se donner un enseignement supérieur lorsqu’il manquait encore d’écoles primaires ? Les jeunes boers allaient-ils entreprendre des études de philologie comparée avant de bien connaître la grammaire et l’orthographe, s’attaquer au Digeste, comme il sied en pays de droit romain, avec une indigestion d’histoire et de géographie, pâlir sur les philosophes, en n’ayant peut-être qu’une faible conscience des règles de trois, et passer brusquement de l’art d’écorcher un mouton à l’anatomie de la personne humaine ? C’était avant la déconfiture du marché des mines d’or. Les recettes du Transvaal battaient leur plein, et il fallait bien admettre, d’après ce projet, que le trésor souffrait d’un violent embarras de richesses. On voulait aussi une école d’agriculture. Intrigué au plus haut point par cette bizarre fantaisie, le public se demanda ce qu’il pouvait