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dehors : il faudrait ouvrir. Mais il y a déjà des raisons pour lui marquer sa tablette dans le fruitier.


Nous ne prétendons pas qu’il existe une littérature sud-africaine ; cependant, quelques productions littéraires doivent retenir l’attention. M. Wilmot a publié à Londres et à Cape-Town un recueil intitulé : la Poésie du sud-Afrique[1]. Ce n’est que la lyre anglaise du pays, et elle manque beaucoup d’originalité. On trouve là un nom connu, Thomas Pringle, l’ami de Walter Scott ; mais ce fourbu des lettres européennes n’est pas un poète du terroir. Il s’était ruiné comme directeur de la Revue mensuelle d’Edimbourg et en fondant d’autres périodiques ; il se joignit en 1820 aux 4,000 colons anglais ou écossais que le gouvernement britannique transportait dans la colonie du Cap ; on le cantonna sur la rivière des Babouins, dans une contrée inculte, montagneuse, pittoresque, dont les formes purent lui rappeler celles de son Écosse. De là des vers souvent cités, dans une note qui resta toujours celle de l’exil. Sa plus jolie ballade, le Forestier du terrain neutre, était un plaidoyer pour les unions mixtes, celles où les blancs prennent des femmes noires : dans cette question, Pringle apportait ses préjugés d’Écossais sans comprendre ceux d’un sud-Africain. Le forestier, l’homme des bois, a épousé une jeune Cafre, servante ou esclave chez son père. Naturellement on s’est brouillé, et le poète fulmine contre un état social fondé sur la différence des colorations. Il était abolitionniste ; l’esclavage n’avait pas disparu au Cap, et l’on pouvait encore se figurer que l’émancipation rendrait les papas moins exigeans sur le choix de leurs brus. Les autres poètes du Parnasse de M. Wilmot sont également des étrangers, gens ayant pris racine plus ou moins dans la région, prêts à vanter son beau climat, ses fleurs, ses fruits, même son bétail et ses hommes, avec une nuance de partialité pour les noirs ; mais le soleil sud-africain ne suffit pas pour échauffer leur lyrisme, il y faut un bon feu de charbon de Newcastle. Les Volontaires anglais, le Cher vieux pays, les Adieux d’un missionnaire, les Couleurs du 24e régiment, ces titres indiquent assez le caractère tout britannique des effusions.

Il faut chercher la vraie poésie du cru chez les félibres hollandais et surtout dans un charmant volume de vers patois édité par M. Reitz, ancien juge, aujourd’hui président de l’État-Libre. Ce n’est pas un mystère que l’éditeur et l’auteur font un. Ici, nulle prétention à la haute littérature, pas de pose ni de grandiloquence ;

  1. The poetry of South Africa, 1887.