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groupes de dialectes, facilite la culture intellectuelle. En quoi d’ailleurs ce rameau s’éloigne-t-il tant du tronc qui l’a porté ? Tout se ramène, en somme, à une question d’orthographe. Vous avez adopté l’orthographe phonétique, vous peignez la prononciation. Mais au fond les différences sont insignifiantes. Si vous n’êtes pas de purs dilettantes, si vous désirez refaire l’âme de notre peuple en élevant son esprit, défendre notre originalité nationale sans nous condamner à l’isolement et à la médiocrité, il ne suffit pas de dire que l’afrikaans est un clair ruisseau issu d’une source trouble et qu’en coulant sur notre sol diamantifère il a déposé son limon, ses subjonctifs, ses pluriels irréguliers et ses articles neutres. Nous le comparerions plutôt à nos rivières larges et vides, avec un mince filet d’eau dans le milieu ou des flaques de loin en loin ; on n’y abreuverait pas une nation. C’est le hollandais littéraire qu’il faut remettre en honneur et enseigner à nos fils, puisqu’ils l’ont oublié. — Telle est aujourd’hui la thèse d’une majorité suivant le drapeau de M. Hofmeyr, prépondérante dans les chambres. Il y a donc lieu de se demander quelle situation occupe le hollandais classique dans le sud africain, quel avenir lui semble réservé, comment on s’efforce de l’y restaurer.


Au Transvaal c’est la seule langue officielle. Cela ne veut pas dire qu’au Volksraad de Pretoria les orateurs parlent tous comme des natifs de La Haye. Mais le journal officiel, les comptes-rendus des séances du parlement, les documens administratifs ou judiciaires ne se rédigent pas en patois, et l’anglais est absolument exclu. Jusqu’à présent on n’avait même pas cru nécessaire de le proscrire, et il s’excluait de lui-même. Les étrangers attirés par les mines sont venus, parlant presque tous anglais ; une population urbaine s’est formée qui n’entend ni l’afrikaans ni le hollaans. On a craint alors l’invasion d’un dialecte ennemi, et il a paru nécessaire de légiférer pour rendre obligatoire l’usage du néerlandais dans tous les actes publics. On est allé plus loin : les commissaires-priseurs prenaient l’habitude de faire la criée, sur le marché de Johannesburg, en langue anglaise ; un député se plaignit au Volksraad, et, rouge d’indignation, imita le gloussement du dindon pour dénoncer le scandale de ces ventes. Les commissaires-priseurs reçurent ordre d’apprendre le hollandais ; dans la pratique, pourtant, il fallut en rabattre. Le gouvernement pourchassa l’anglais jusque dans les hôpitaux. En réalité, le péril n’était peut-être pas aussi grave qu’on se l’imaginait. Cette immigration ne pouvait guère continuer et nombre de gens s’en iraient un peu déçus. Si, là, nous évaluons à 80,000 âmes la population blanche de