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comme la République Argentine, d’un éclat tant soit peu artificiel. On n’est plus très sûr que la richesse des filons de ce pays soit absolument en proportion de leur abondance, et la nature souvent réfractaire du minerai a refroidi certains enthousiasmes. L’or est là ; il ne s’est pas envolé ; une industrie régulière se forme ; à mesure que le travail sérieux augmente dans les mines et qu’on emploie des procédés moins simples pour le traitement du quartz, les rendemens augmentent ; toutefois, nous sommes loin des amplifications du début. L’immigration blanche au Transvaal ne saurait se comparer avec celle que provoquèrent les découvertes californiennes et australiennes, et cela tient à d’excellentes raisons ; les faire connaître, c’est rendre service au public, prévenir des mécomptes dont nous savons quelques exemples. Certaines exploitations aurifères dureront, et, bien administrées, donneront de suffisans dividendes, surtout après l’achèvement des voies ferrées en construction ; le difficile n’est pas de trouver de l’or, mais de gagner à l’extraire. Quant au pays, il ne vaut pas à beaucoup près la Californie, pas même l’Australie. La région apte à l’agriculture est en général malsaine, et la région saine une contrée de plateaux uniquement bons pour l’élevage. Les immigrans sont pour la plupart des gens du Cap et du Natal, un personnel toujours le même faisant des rush, se portant aujourd’hui sur un point, demain sur un autre[1]. Il y a quarante ans, les mines de cuivre du Namaqualand attiraient l’attention et la foule allait de ce côté ; puis ce fut le tour des mines de diamans ; puis vinrent les mines d’or. Une ville s’élève, Barberton ; bientôt elle décline, et une autre, Johannesburg, grandit jusqu’au jour où un krach arrête son développement. Aujourd’hui, le but féerique recule jusque près du Zambèze. Les faiseurs de rush rappellent un peu les soldats du cirque sortant par une porte pour rentrer par l’autre sous de nouveaux uniformes.

Cette débauche de spéculation aura du moins profité au Cap en animant les affaires. Elle lui vaut une nouvelle extension de son réseau ferré. On ira bientôt en chemin de fer de Cape-Town à Pretoria. Déjà, en 1890, une ligne fut inaugurée entre Colesberg, ville frontière de la colonie, et Bloemfontein, capitale de l’État-Libre ; c’est en la continuant qu’on arrivera au Transvaal. Elle a été entreprise par le gouvernement colonial pour le compte de l’État-Libre, et, ce qui rend la chose piquante, dans un moment où la compagnie néerlando-allemande du Transvaal rêvait elle-même de se la faire concéder pour pousser son réseau jusqu’aux portes du Cap. Une

  1. Le mot anglais rush a le sens d’élan ou de course précipitée.