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la cause immédiate de ces désastres fut la banqueroute et la fuite d’un Allemand, plus tard accusé de faux et jugé par contumace. Il avait rempli à Cape-Town, avant la création d’un consulat-général d’Allemagne, les fonctions de consul allemand au titre honorifique. C’était un négociant et un terrible spéculateur. Son portefeuille contenait 182,359 valeurs minières sud-africaines de toute sorte. Il devait à l’Union bank 13,861,375 francs, pas un centime de plus.

Si, comme on vient de le dire, les premiers fauteurs de la hausse poursuivaient un but politique, ce but a été atteint. Le Transvaal fut amené à reconnaître l’insuffisance de ses appuis financiers de Berlin ; il dut modifier son orientation, et un fait tout récent le prouve. Le président Kruger s’était déjà départi de son ancienne opposition au prolongement des voies ferrées du Cap vers sa frontière. Il avait même promis de construire une ligne spéciale pour raccorder son réseau à celui de la colonie et de l’État-Libre. Mais sa compagnie privilégiée, plus allemande que hollandaise, n’avait pas l’argent nécessaire, et la garantie du gouvernement de Pretoria ne pouvait plus lui procurer de crédit. En effet, les recettes du trésor transvaalien ont baissé depuis le krach de 1800 : les excédens font place aux déficits[1]. Il a fallu s’adresser au gouvernement du Cap, après l’avoir combattu, et, par une convention du 10 décembre 1891, celui-ci vient d’avancer une grosse somme à la compagnie d’Amsterdam, moyennant garanties. C’est une victoire pour l’afrikandérisme.

Seulement, il est fâcheux que ce résultat ait coûté tant de ruines ou de pertes individuelles. Dans les pertes, nous eûmes notre petite part en France. Une campagne se menait à la veille du krach, pendant l’Exposition de 1889, pour introduire chez nous les valeurs minières sud-africaines. Des publications imprudentes la favorisaient, et telle société du Witwatersrand dont les premiers souscripteurs gagnaient alors cinquante fois leur mise plaçait à Paris fort au-dessus du pair des titres transformés qui aujourd’hui encore, après dix-huit mois, perdent environ 50 francs sur un capital nominal de 125. L’afrikandérisme peut intéresser, comme le particularisme transvaalien ; mais il ne faudrait pas expérimenter les conséquences de leurs luttes aux dépens de sa bourse. Les esprits maintenant sont calmés : on ne se laisserait plus éblouir d’aussi bonne grâce. On sait que le Transvaal avait brillé à Paris,

  1. Recettes du Transvaal en 1890 : 1,229,000 liv. sterl. ; dépenses, 1,531,461 livres. Recettes en 1891 : 967,191 liv. sterl. ; dépenses, 1,350,073 livres. Prévisions de recettes pour 1892 : 900,000 liv. sterl.