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faillites et l’heure des anxiétés budgétaires sonnait derechef. Même après la grande œuvre de M. Rhodes, — la fusion des compagnies minières de Kimberley, — on aurait pu concevoir des craintes pour l’avenir sans une puissance qui depuis quelque temps s’élevait à côté de la colonie, l’or. En assez grand nombre, des immigrans s’étaient établis dans le Transvaal, attirés par l’exploitation des gisemens aurifères. Tout ce qu’il fallait pour subvenir aux besoins de cette population nouvelle et à ceux de l’industrie minière allait passer sur le territoire des contrées voisines et maritimes : denrées alimentaires, boissons, vêtemens et tissus, matériaux de construction, machines, outils. Ce transit devait gonfler le revenu des chemins de fer, les recettes de la douane. C’était une excellente aubaine pour le Cap. Un résumé succinct de l’histoire de ces mines d’or ne semble donc pas hors de propos.

La découverte en appartient à l’Allemagne, sans préjudice des titres antérieurs de la reine de Saba. On sait que cette souveraine offrit au roi Salomon six-vingt talens d’or, ou un million quatre cent quarante mille francs, apportés sur sa flotte du pays d’Ophir. Ophir, c’est la région qu’on voudra dans l’Afrique du sud. On sait aussi que les Grecs connurent vaguement l’existence de placers aurifères au sud de l’Ethiopie, que les Portugais firent le commerce du précieux métal au Monomotapa ; mais, pour ne parler que de temps plus modernes, la première théorie scientifique de l’analogie des couches minérales australiennes et sud-africaines est due à Léopold von Buch, l’illustre condisciple et ami d’Alexandre de Humboldt. Le premier explorateur qui compte, le révélateur d’Ophir retrouvé, fut le Wurtembergeois Karl Mauch. C’est lui qui reconnut, en 1865, les formations de Tati, sur la limite méridionale des Matébélés. Il dressa la carte géologique du Transvaal. Il parcourut le Machonaland, nomma les champs d’or de l’empereur Guillaume, baptisa une hauteur mont Moltke, une autre mont Bismarck, et traça des lignes fameuses : « L’étendue et la beauté des gîtes d’or sont telles que je restai comme pétrifié d’admiration ; le marteau me tomba des mains. » A Berlin, déjà, le musée minéralogique possédait un échantillon des quartz du Warm Bokkeveld (colonie du Cap), incontestablement veinés du précieux métal et autrefois étudiés par Heinrich Lichtenstein, médecin allemand attaché à la personne du dernier gouverneur hollandais de Kaapstad. Les lettres de Karl Mauch y firent sensation. Le premier compilateur d’une statistique sérieuse de l’or exporté de l’Afrique du sud, entre les années 1866 et 1875, fut l’éditeur des Mittheilungen de Leipzig, le docteur Petermann. On suivait avec curiosité, en Allemagne, l’éclosion d’une richesse inattendue chez