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Trois lignes furent décidées, partant de trois ports de mer et courant droit au septentrion : ces ports étaient Cape-Town, Port-Elizabeth et East-London. Quelques voies secondaires vinrent s’enter là-dessus. Les deux artères principales, celles de Cape-Town et de Port-Elizabeth, se raccordèrent à De-Aar ; mais ce point de jonction est à plus de cinq cents kilomètres de la côte, en sorte que, pour aller d’une ville à l’autre, il vaut mieux passer par mer, pour peu qu’on ait le pied marin. La troisième grande ligne, celle d’East-London, ne communique pas encore avec les autres. Ce système avait ses défauts : le développement interne du pays a été un peu sacrifié à sa future expansion. Mais avec tout cela le point nord extrême des projets initiaux, Kimberley, à plus de mille kilomètres du littoral, était atteint le 28 novembre 1885. On avait commencé le 1er septembre 1875 par l’inauguration de la section de Tulbagh. En dix ans, une colonie moins peuplée que l’Algérie, moins productive, avec les diamans et l’autonomie en sus, avait construit par ses propres moyens, sans nul concours de compagnies étrangères, un réseau économique, mais solide, de deux mille cinq cents kilomètres, abstraction faite des lignes anciennes. C’est là, il nous semble, un assez beau résultat.

Par quelles opérations financières fut-il obtenu ? La dette publique du Cap remonte à 1859. Elle fut créée par le gouvernement semi-parlementaire. Très modeste d’abord, — 2,500,000 francs, — elle a constamment grandi ; le régime autonome l’a deux fois centuplée. Au 31 décembre 1888 elle était de 557,375,000 francs, chiffre rond et total respectable pour un État dont le revenu s’élevait, durant le même exercice, à environ 87 millions. En moyenne, on avait emprunté à 5 pour 100. L’intérêt de 1888 prenait sur les ressources un peu plus de 27 millions. Mais la majeure partie de cette dette constitue un placement. Ainsi, dans la même année, le service des emprunts pour chemins de fer a exigé 550,000 livres sterling, l’entretien du réseau 716,000, en tout 1,267,000 ; et l’exploitation a rapporté au trésor 1,538,000. Différence en profit : 271,000 ou 6,775,000 francs. Sans se perdre dans les détails, il suffira de mentionner : les ponts qui produisent des droits de péage ; les télégraphes, qui paient ; les travaux d’irrigation, dont quelques-uns donnent un petit revenu direct ; les ports, construits par des corporations locales sur emprunts garantis par le gouvernement et se rentant par un système de taxes. Il ne reste guère, comme dette infructueuse, que 140 millions de francs en capital. On peut trouver que c’est encore trop, qu’un pays dont les recettes proviennent surtout des douanes et des chemins de fer court trop de risques commerciaux : l’ensemble de cette