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suisses, Blumer, Dubs, Hilty, montrent à l’envi le caractère arbi -traire de cette procédure : bien arbitraire en effet, puisqu’il appartient à l’assemblée fédérale de classer à sa guise n’importe quelle mesure parmi les « arrêtés, » puis de la déclarer selon son bon plaisir immédiatement exécutoire pour la soustraire au referendum. Le cabinet belge aurait pu demander au parlement de s’en rapporter au roi, puisque la couronne était intéressée très clairement à ne pas discréditer sa nouvelle prérogative en saisissant le corps électoral de questions qu’il pourrait difficilement résoudre. Il a fait mieux, et la déclaration du 11 février 1892 est ainsi conçue : « Tout en admettant l’inscription dans la constitution elle-même du principe nouveau d’une consultation à demander par le roi au corps électoral, sous le contre-seing ministériel, on voudrait que les conditions dans lesquelles ce droit pourrait être exercé fussent réglées par la loi. Tenant compte de ces observations, le gouvernement a l’honneur de proposer, au lieu de la disposition additionnelle qui vise l’article 67 de la constitution, un amendement à l’article 26, qui, tout en exprimant le même principe, laisserait à la loi le soin de déterminer dans quels cas et, sous quelles conditions le roi pourra consulter directement le corps électoral. » Cette proposition a plusieurs avantages : elle ôte à la fortune tout ce qu’on peut lui enlever par conseil ou par prévoyance ; elle fixe toutes les compétences et détermine, sans laisser place à l’arbitraire, les rapports respectifs du roi, des électeurs, des élus ; elle prévient, sans contestation possible, l’extension du referendum aux matières sur lesquelles le parlement doit statuer en dernier ressort.

Ajoutons qu’elle écarterait d’avance un grand nombre de réclamations factieuses ; ni la presse ni même la rue ne peuvent aisément demander au roi de prendre une mesure inconstitutionnelle. Les adversaires du recours direct ont, d’ailleurs, songé trop exclusivement aux manifestations que susciterait, le cas échéant, l’ajournement d’un referendum ; il faut aussi parler de celles que l’usage de la nouvelle prérogative peut empêcher. Le parlement belge connaît trop bien l’histoire contemporaine pour oublier que certaines assemblées, pour avoir accompli tout leur devoir, ont mérité la haine des factions, et que l’émeute ne gronde pas seulement autour des maisons royales. Il ne sera pas toujours nécessaire à coup sûr, mais il peut devenir opportun, dans un cas donné, d’appuyer la représentation nationale sur la nation elle-même, et l’on pourrait couper court, par une consultation régulière, aux pétitionnemens en masse, aux meetings tumultueux, aux orages de la place publique. On insiste toutefois sur l’embarras dans lequel un parti bruyant peut jeter la couronne en recourant aux promenades tapageuses pour la contraindre à provoquer