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constitutionnelle, « la volonté royale n’est plus la volonté personnelle du roi, mais sa volonté officielle, » éclairée ou approuvée par des guides ou des conseillers déterminés, la fiction s’évanouirait, la volonté personnelle du prince se manifesterait de la façon la moins équivoque. Inviolable, il se découvre ; irresponsable, il s’engage. C’est, on a cru pouvoir employer le mot, du césarisme.

En effet, poursuit-on, le plébiscite est le procédé favori du césarisme et le referendum royal n’est pas autre chose que le pouvoir personnel tempéré par des plébiscites. Le plébiscite est la mise en action de la démocratie directe. On dit au peuple : « C’est abdiquer à moitié sa souveraineté que de la déléguer : fais tes affaires toi-même. » Mais le prince épie le moment favorable, choisit ses instrumens et dicte lui-même la réponse qu’il sollicite. La monarchie impériale française fut étayée, de 1851 à 1870, sur des plébiscites : ces sortes de consultations populaires étaient à leur place. Mais Louis-Napoléon Bonaparte avait averti les Français, dans sa proclamation du 14 janvier 1852, que son action devait être « libre, sans entraves, » et que les ministres, s’ils restaient les auxiliaires honorés de sa pensée, « ne pourraient plus former un conseil responsable, composé de membres solidaires, obstacle journalier à l’impulsion particulière du chef de l’État. » Or ce régime est précisément l’inverse de celui que le congrès national entendit établir, le 22 novembre 1830, en déclarant « que le peuple belge adoptait, pour forme de son gouvernement, la monarchie constitutionnelle représentative sous un chef héréditaire. » Il n’y a pas le moindre point de contact entre l’empire plébiscitaire et la monarchie belge de 1831.

D’ailleurs le roi n’est pas désarmé par la constitution contre les erreurs ou les témérités des chambres législatives. Expressément investi du droit de sanctionner les lois, il peut refuser sa sanction. Il peut, en outre, dissoudre les chambres soit simultanément, soit séparément, à la condition de convoquer le corps électoral dans les quarante jours. Tel est le moyen qu’on donne au souverain dans toutes les monarchies constitutionnelles, de consulter le pays s’il pense que la chambre ou les chambres élues ne représentent plus l’opinion du pays. Chez nos voisins d’outre-Manche, dans ce duel qui s’était engagé, suivant l’expression du docteur Johnson, « entre le sceptre de George III et la langue de M. Fox, » quand le grand orateur crut devoir contester à la couronne la faculté de dissoudre le parlement au milieu d’une session, ses partisans mêmes l’abandonnèrent : on ne trouverait pas un autre Fox, en Belgique, pour soutenir une proposition semblable. La nation anglaise s’est inclinée quand la reine permit à M. Gladstone, en 1886, de dissoudre une