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est faite par 30,000 citoyens actifs ou par huit cantons. Il en est de même des arrêtés fédéraux qui sont d’une portée générale et qui n’ont pas un caractère d’urgence. » — La loi fédérale ordinaire, ainsi déférée au peuple, est d’ailleurs adoptée dès que la majorité des électeurs suisses l’accepte, quand même la majorité des cantons l’aurait rejetée. L’intervention directe du corps électoral a été ainsi provoquée vingt-sept fois depuis que la constitution fédérale de 1874 est en vigueur, et le droit populaire s’est exercé sans secousse. C’est bien un referendum facultatif qu’il s’agirait d’introduire dans la constitution belge. Or, dit-on, la Suisse est une république démocratique ; le principe de la souveraineté populaire, appliqué dans toute sa pureté, y a produit dans l’organisme constitutionnel et dans les mœurs politiques des conséquences tout à fait particulières. Tout homme qui reçoit une parcelle du pouvoir législatif, exécutif et même judiciaire y est nommé pour un terme fixe. Chacun des élus exerce le pouvoir qui lui est délégué par l’unique souverain, suivant ce qu’il croit être la volonté de ses mandans. S’il s’est trompé sur ce point, il se hâte de réparer son erreur sans refuser son concours. Ainsi les membres de l’assemblée fédérale dont les opinions ont été désavouées par leurs électeurs n’abandonnent point leurs sièges ; ainsi les ministres dont les volontés personnelles sont contrecarrées par les votes de l’assemblée ou du peuple restent à leur poste : en Suisse, les autorités ne se démettent jamais ; elles se soumettent toujours. Quoi de plus contraire au mécanisme de la monarchie constitutionnelle ? En Belgique, les députés sont désignés, non commandés par les électeurs : ils représentent la nation, la minorité comme la majorité ; ils veillent à l’ensemble des intérêts particuliers et généraux. C’est une antinomie, non une analogie qu’il faudrait signaler entre les mœurs politiques de la Suisse et les institutions belges. Il n’y a pas plus d’analogie entre le referendum royal et le referendum populaire. D’un côté, le peuple convoquant le peuple ; de l’autre, le prince investi d’un pouvoir propre, entrant en communication avec un pouvoir dont il ne relève pas. Le referendum suisse se combine aisément avec l’organisation du parlement fédéral, dont la compétence est restreinte, dont la session ordinaire ne dure pas plus de huit semaines et qui vote en moyenne deux ou trois lois par an : le gouvernement parlementaire belge est, au contraire, un organisme complet, qui se suffit à lui-même. D’ailleurs tels sont les inconvéniens du vote populaire direct qu’il a fallu, même sur la terre classique du referendum, en rétrécir la sphère. Le texte même de la constitution lui soustrait « les arrêtés fédéraux, » à la différence des « lois fédérales, » quand ils n’ont pas