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avec la couronne pour modifier de fond en comble la législation nouvelle, et les deux chambres votèrent sans discussion de principes l’acte du 6 décembre 1884, dit representation of the people act. Il nous suffira de rappeler que cet acte eut pour effet d’augmenter dans la proportion de plus de 75 pour 100 le chiffre des électeurs inscrits. Le royaume-uni ne possède pas le suffrage universel ; mais sur 34,877,399 habitans, 5,701,905 participèrent, en 1886, aux élections politiques. Il est à peine utile de faire observer que ce mouvement formidable n’est pas spécial à l’Angleterre : l’Europe sait par quels motifs ou sous quels prétextes se sont accomplies, en France, les révolutions du 24 février 1848 et du 2 décembre 1851.

Aussi, lorsque MM. Fléchet, Buls, Janson, Fagnart, Grosfils et Broquet soumirent à la chambre des représentans de Belgique, dans la séance du 27 novembre 1890, une proposition ainsi conçue : « Il y a lieu à la révision des articles 47, 53 et 56 de la constitution, » le gouvernement du roi demanda-t-il lui-même à cette chambre, par l’organe de M. Beernaert, ministre des finances, de voter la prise en considération et, quand il fut procédé au vote par appel nominal, 118 membres y prenant part, tous répondirent affirmativement. Un peu plus tard, la section centrale de la chambre, chargée de l’examen du projet, ayant désiré connaître les vues du gouvernement sur la révision, le même ministre lui fit une communication plus précise et, pour qu’aucune équivoque ne subsistât, adressa le 30 mars 1891 au président de cette section un résumé de sa déclaration verbale. Fallait-il se borner à transformer tous les électeurs communaux, au nombre de 400,000, en électeurs généraux, c’est-à-dire subordonner au cens de 10 francs le droit de participer aux élections politiques ? Sans répudier absolument cette combinaison, M. Beernaert s’exprimait en ces termes : « Mais le gouvernement estime qu’il convient d’aller plus loin et que, sans exiger aucun paiement de contributions, il faudrait se rapprocher des bases que l’accord des deux grands partis politiques a permis d’introduire dans la Grande-Bretagne. On sait qu’abstraction faite de diverses dispositions accessoires y est électeur quiconque occupe une maison, partie de maison, logement ou terrain d’un revenu ou d’un loyer de 10 livres sterling. C’est aussi l’occupation que nous devrions prendre comme base principale et, afin d’éviter les contestations et les fraudes, elle devrait être appréciée d’après le revenu cadastral de l’immeuble occupé ou cultivé… Le gouvernement voudrait que le nombre des électeurs généraux fût ainsi porté à 600,000 environ, et il est prêt à étudier avec la section centrale le chiffre du revenu cadastral auquel il faudrait s’arrêter pour obtenir ce résultat. »