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tient à composer une œuvre de circonstance ; il veut y redire tout ce qui s’est fait dans la célébration des jeux séculaires et n’y pas parler d’autre chose. Ce caractère était autrefois moins apparent ; aujourd’hui que nous connaissons ces jeux dans le détail, il nous frappe davantage. L’inscription que nous venons d’étudier peut servir de commentaire au poème d’Horace et nous aide à le comprendre. Aucune des cérémonies qu’elle rapporte n’est omise dans le poème ; tous les dieux et toutes les déesses y reviennent à leur tour. Les Mœres y sont invoquées sous leur nom romain de Parques, et le poète leur demande « d’ajouter au bonheur passé des prospérités nouvelles ; » Ilithyie, ou, comme on disait encore, Lucine, est suppliée de protéger les épouses, et « de donner à Rome une moisson d’enfans. » Enfin il prie la terre « de faire naître et mûrir les fruits, à l’aide des pluies et des vents envoyés du ciel : »


Nutriant fœtus et aquæ salubres,
Et Jovis aurœ.


Voilà la mention exacte des divinités qu’on implore pendant les solennités de nuit ; aucune n’y manque. Quant aux dieux auxquels on offre des sacrifices le jour, Apollon et Diane, comme on pense, n’y sont pas oubliés ; c’étaient vraiment les dieux de la fête :


Supplices audi pucros, Apollo.
Siderum regina bicornis, audi,
Luna, puellas !


Le nom de Jupiter n’est prononcé qu’à la fin, ce qui cause quelque surprise ; mais, vers le milieu, il est fait allusion aux bœufs blancs qu’on immole en son honneur, et M. Mommsen pense qu’une circonstance particulière pouvait rendre alors cette allusion plus claire qu’elle ne l’est pour nous. Il suppose que l’hymne d’Horace était chantée le long des chemins de Rome, comme celle de Livius Andronicus. Le cortège se formait au Palatin, où naturellement on invoquait Apollon en face de son temple :


Phœbe, silvarumque potens Diana.


Puis, après avoir traversé le forum et gravi la pente sacrée qui menait au Capitole, on arrivait aux portes du temple de Jupiter, et l’on chantait le milieu de l’hymne ; à ce moment tous les bras étaient tendus vers le sanctuaire, et tout le monde comprenait,