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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.

Tous les régimes ont sans doute leurs épreuves et leurs mauvais jours. Ils ont les embarras qui naissent d’une situation, des circonstances, du mouvement inévitable des choses ; ils ont aussi, ils ont surtout les difficultés qu’ils se créent par leurs propres œuvres, par leurs passions obstinées et leurs aveuglemens. Ils ne doivent le plus souvent qu’à eux-mêmes, à leurs fautes, les crises où ils jouent à tout instant leur fortune.

Il faut bien, convenez-en, que la république ait une force secrète, qu’elle réponde à quelque intime et profonde nécessité du temps, pour avoir résisté jusqu’ici à tout ce qu’ont fait pour la ruiner ceux qui ont la prétention de la conduire. Il faut qu’elle ait le tempérament vivace pour n’avoir pas déjà péri deux ou trois fois, victime de cet étrange acharnement des républicains à remettre sans cesse le trouble et la confusion dans les idées, dans les lois, dans les faits, dans la vie morale, dans le gouvernement. Elle vit malgré tout, mais ce n’est vraiment pas la faute des républicains. Certes, s’il y a eu jamais un régime pour qui tout parut simple et facile, c’est bien cependant cette république d’aujourd’hui. Elle semblait sortie de l’ère des contestations, elle était acceptée par le pays sans arrière-pensée et sans regret. Il y a six mois tout au plus, elle avait repris une certaine figure dans le monde par sa bonne attitude, par son armée reconstituée ; elle comptait en Europe, — et à l’intérieur, elle voyait les dissidences s’émousser chaque jour, les adhésions aller vers elle, les irréconciliabilités s’éteindre, les chefs de l’Église entourer le chef de l’État. Elle a eu même la chance de voir un pape lui prêter le concours de son autorité modératrice. La république n’avait qu’à se laisser vivre, à rester le régime équitable et conciliant de tout le monde, le gouvernement régulier et sensé de la nation française. Eh bien ! non, les républicains ne l’entendaient pas et ne l’en-