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limitrophes de la Chine, celles d’où l’on pourrait, sans trop de difficulté, nouer des relations avec la province contiguë de l’Empire. Cette province, elles s’en ménageraient l’accès ; elles amèneraient jusqu’à ses confins leurs lignes de chemins de fer et de télégraphes, leurs services de poste et de transport, leurs bazars et leurs marchés ; elles lui montreraient ce que peuvent pour la prospérité des peuples la science, les lois, l’organisation des barbares d’Occident ; elles enrichiraient les habitans de ses districts les plus voisins ; elle les séduiraient à nos usages et à nos inventions ; elles en feraient, par l’intérêt satisfait, des missionnaires qui chanteraient nos louanges parmi leurs compatriotes ; de proche en proche, elles convertiraient les districts et les provinces, et le jour où l’Empire, cédant à l’autorité de l’exemple, se déciderait à recevoir nos produits, à imiter nos procédés, elles seraient les premières à pénétrer sur son territoire et à « prendre les commandes. » C’est dans cet espoir que les Anglais s’établirent en Birmanie, les Français au Tonkin, et que les Allemands tournent autour de Siam.

La Birmanie, comme le Tonkin, confond, sur une longue étendue, sa frontière septentrionale avec celle de la province du Yun-nan. Le Tonkin touche en outre, par le nord-est et l’est, aux deux provinces du Kwang-Si et du Kwang-Tong. La Birmanie possède plusieurs fleuves qui descendent de Chine : l’Iraouaddy, le Sittang, la Salouen, etc. ; le Tonkin, à vrai dire, n’en a qu’un seul, le célèbre Fleuve-Rouge. Ce n’est pas ici le lieu de parler du Fleuve-Rouge et de le comparer, en tant que voie de pénétration vers la Chine, aux fleuves de Birmanie. La comparaison d’ailleurs est aujourd’hui superflue ; le Fleuve-Rouge a cause gagnée. Des bateaux à vapeur, d’un type qu’on a déjà perfectionné, remontent jusqu’à Laokai, sur la frontière de la Chine, et il ne nous reste plus qu’à donner toutes facilités à la navigation en améliorant, moyennant une dépense modique, le cours du fleuve, et au commerce en répudiant, non par des arrêtés subreptices et presque tenus secrets, mais par une loi solennelle et connue au loin, le fâcheux régime douanier qui interdit la voie du Tonkin aux transactions de l’Europe avec la Chine méridionale. Les fleuves de Birmanie, au contraire, sont, je l’ai déjà dit, infiniment plus longs que ceux du Tonkin et rencontrent, avant d’atteindre la frontière de Chine, des obstacles infranchissables. Les Anglais eux-mêmes paraissent les avoir décidément condamnés, et étudient, en vue de se rapprocher de la Chine, sinon d’y pénétrer, diverses lignes de chemins de fer.

Parmi ces études, il faut bien distinguer celles qui ont pour objectif la frontière chinoise, et qui ont été ou contrôlées ou même ordonnées par le gouvernement, de celles qui visent le cœur même