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président, et c’est en cette qualité qu’il allait diriger la célébration des jeux séculaires.

On comprend que les quindécimvirs se soient empressés d’obéir au président de leur collège, qui était aussi le chef de l’empire. Pour répondre aux prescriptions de sa lettre, ils multiplient les décrets qui doivent apprendre à tout le monde l’ordre des cérémonies. Rien n’y est oublié, et celui qui se trompera ne pourra pas se plaindre de n’avoir pas été bien renseigné. Ces décrets durent être affichés de leur temps au Forum ou à la porte de quelque temple, pour que tout le monde pût les lire. La colonne du Champ de Mars nous les a soigneusement conservés. On y trouve aussi des sénatus-consultes qui nous font comprendre l’importance que les pouvoirs publics attachaient à la fête. L’un d’eux suspend les effets de la loi Julia sur le mariage ; elle avait été faite l’année précédente, on sait en quelles circonstances et sous quelle inspiration. On était alors fort occupé des questions qui s’agitent autour de nous ; les bons citoyens voyaient avec douleur que le nombre des naissances diminuait, et de tous les côtés on cherchait un remède à la dépopulation de l’empire. Auguste crut l’avoir trouvé dans des lois rigoureuses qu’il fit contre les célibataires, pour les contraindre à se marier. Parmi les peines qu’on leur infligeait, il y en avait une qui devait leur paraître plus dure que les autres : on leur interdisait d’assister aux jeux publics ; c’était les priver de ce qu’on regardait alors comme un des plus grands plaisirs de la vie. Mais pour cette fois la loi ne fut pas appliquée ; on jugea qu’il était trop sévère d’empêcher quelqu’un de prendre part à des jeux que personne ne devait plus-revoir, et que d’ailleurs la religion exigeait que le nombre des assistans fut aussi grand que possible. C’est la même raison qui fit décider que le deuil des femmes serait abrégé pour la circonstance ; il était réglé par l’usage, et l’usage à Rome était si fidèlement respecté, que personne n’aurait osé quitter le deuil avant le temps, sans une permission expresse des magistrats. La permission fut accordée, car il ne semblait pas convenable que ces beaux jours fussent attristés par l’aspect de vêtemens lugubres, ou qu’une matrone se crût obligée de rester chez elle quand toute la cité se précipitait joyeusement au Champ de Mars ou au Capitole.

Ces préparatifs achevés, tout n’était pas fini ; il fallait accomplir encore quelques cérémonies préliminaires avant que la fête pût réellement commencer. Il convenait que personne n’y assistât qu’après s’être purifié selon les rites et avoir offert aux dieux ce qu’il leur devait. Aussi, dans les derniers jours du mois de mai (les 26, 27 et 28), tous les citoyens doivent-ils se présenter en