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meuvent et opèrent le mouvement des organes exclusivement d’après les lois de la mathématique et de la mécanique. Ce sont les « impulsions venues du dehors » qui produisent des « pressions dans les nerfs, » et nous avons déjà remarqué la parenté du phénomène de la pression avec celui de l’ondulation.

Loin de trouver ici à rire, nous trouvons encore à admirer ; car c’est à Descartes que remonte la théorie et le nom même des actes réflexes : undulalione reflexa. Tous les mouvemens que nous accomplissons, dit-il, sans que notre volonté y contribue, « comme il arrive souvent que nous respirons, que nous marchons, que nous mangeons… ne dépendent que de la conformation des membres et du cours que les esprits suivent naturellement dans les nerfs et dans les muscles ; de même façon que le mouvement d’une montre est produit par la seule force de son ressort et la figure de ses roues. » En face d’un objet effroyable, par exemple, dont l’image se forme dans le cerveau, les esprits animaux du fluide nerveux, a réfléchis de l’image, vont se rendre en partie dans les nerfs qui servent à tourner le dos et à remuer les jambes pour s’enfuir. » Chez d’autres individus, ceux qui ont le tempérament courageux, « les esprits vitaux, réfléchis de l’image, peuvent entrer dans les pores du cerveau qui les conduisent aux nerfs propres à remuer les mains pour se défendre, et exciter ainsi la hardiesse. » Descartes en conclut que l’homme, s’il avait une science suffisante, pourrait fabriquer un automate accomplissant toutes les fonctions du corps humain, capable même de « répondre par des cris et des mouvemens aux coups et aux menaces. » Descartes se sert ici d’une comparaison ingénieuse et frappante. C’était le goût du temps, dans les jardins princiers, que de fabriquer des grottes et des fontaines où la seule force de l’eau faisait mouvoir des machines, jouer des instrumens, prononcer même des paroles. On entrait dans une grotte, et une Diane au bain prenait la fuite. Descartes compare les nerfs « aux tuyaux des machines de ces fontaines, « les muscles et tendons aux divers engins et ressorts qui servent à les mouvoir, » le fluide nerveux « à l’eau qui les remue. » Les objets extérieurs, « qui par leur seule présence agissent sur les organes des sens, et qui, par ce moyen, déterminent des mouvemens en diverses façons, sont comme les étrangers qui, entrant dans ces grottes, causent eux-mêmes, sans y penser, les mouvemens qui s’y font en leur présence ; car ils n’y peuvent entrer sans marcher sur certains carreaux tellement disposés qu’ils amènent tel ou tel mouvement. » L’âme raisonnable est le « fontainier, » qui se rend compte de tout ce qui se passe.