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particularités de cette conformation, on en peut déduire quelle est la semence. » Et il s’efforce hardiment de faire ces déductions sur la vie. « La chaleur, conclut-il, est le grand ressort et le principe de tous les mouvemens qui sont en la machine. » Et cette chaleur est toute chimique : « Il n’est pas besoin d’imaginer qu’elle soit d’autre nature qu’est généralement toute celle qui est causée par le mélange de certains liquides. » Le mouvement de nos membres n’est qu’une transformation du « feu sans lumière. »

La respiration, en particulier, est par là entretenue. Après Lamarck et Darwin, voici venir Lavoisier : « La respiration, dit avant lui Descartes, est nécessaire à l’entretien de ce feu qui est le principe corporel de tous les mouvemens de nos membres. L’air sert à nourrir la flamme ; de même, l’air de la respiration, se mêlant en quelque façon avec le sang avant qu’il entre dans la concavité gauche du cœur, fait qu’il s’y échauffe encore davantage… » Aussi les animaux sans poumons « sont d’une température beaucoup plus froide. » Le sang, à son tour, par sa circulation incessante, « porte la chaleur qu’il acquiert à toutes les parties du corps et leur sert de nourriture. » La matière de notre corps « s’écoulant sans cesse, ainsi que l’eau d’une rivière, il est besoin qu’il en revienne d’autre à sa place. »

Pour comprendre comment chaque particule de l’aliment « va se rendre à l’endroit du corps qui en a besoin » faut-il, comme on le faisait alors, comme on le fait parfois aujourd’hui, imaginer des affinités, « supposer en chaque partie du corps des facultés qui choisissent et attirent les particules de l’aliment qui lui sont propres ? » Non, « c’est feindre des chimères incompréhensibles, et attribuer beaucoup plus d’intelligence à ces choses chimériques que notre âme même n’en a, vu qu’elle ne connaît en aucune façon, elle, ce qu’il faudrait que ces causes connussent. » Restituons donc, encore ici, les vraies raisons mécaniques, savoir : « la situation de l’organe par rapport au cours que suivent les particules alimentaires, la grandeur et la figure des pores où elles entrent ou des corps auxquels elles s’attachent. » Quant aux particules non assimilées, elles sont excrétées par des organes qui ne sont que « des cribles diversement percés. La découverte de Harvey avait rencontré une opposition générale. L’adhésion de Descartes eut une influence décisive en sa faveur.

Les « esprits vitaux ou animaux » dont on s’est moqué assez sottement, bien que Descartes les déclare, à mainte reprise, « purement matériels, » ne sont autre chose que le fluide nerveux, qui lui-même, comme tout fluide, se ramène pour Descartes à des phénomènes d’impulsion et de pression. Les esprits vitaux se