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Descartes a pressenti une autre loi qui joue un rôle très important dans la doctrine de l’évolution et dans les prédictions relatives à l’état futur du monde : c’est qu’il y a plus de mouvement de masse à se transformer en mouvement moléculaire que de mouvement moléculaire à se transformer en mouvement de masse, si bien que l’univers tend vers un état où les mouvemens de masse seraient supprimés et remplacés par les mouvemens moléculaires : — « Il y a bien plus de rencontres, dit Descartes, où le mouvement des plus grands corps doit passer dans les plus petits qu’il n’y en a, au contraire, où les plus petits puissent donner le leur aux grands. »


En somme, la cosmogonie de Descartes est la première cosmogonie scientifique que mentionne l’histoire. État essentiellement vibratoire des corps, tous composés « de petites parties qui se meuvent en même temps de tous côtés ; » composition gazeuse du soleil, assimilation du soleil à une flamme qui, à chaque instant, a besoin de nourriture pour réparer ses pertes ; état primitivement gazeux de toutes les planètes ; feu central de la terre, périodes géologiques, « encroûtement » des corps célestes par refroidissement, variation d’éclat des étoiles due au changement de « croûtes » qui se forment à leur surface (explication reprise de nos jours par M. Faye), etc. Ajoutons que Descartes, malgré les précautions excessives dont il s’enveloppa en apprenant la condamnation de Galilée, est le savant qui contribua le plus à faire triompher la doctrine de Copernic. Si l’histoire des idées est encore plus importante que celle des événemens, on nous pardonnera sans doute d’avoir insisté sur la vraie part de Descartes dans les découvertes de la mécanique céleste.


IV

La permanence du mouvement a pour corollaire sa transformation. Descartes, on l’a déjà vu, a aperçu et formellement énoncé cette conséquence. Il a donc, le premier, soutenu la doctrine contemporaine de l’unité des forces physiques : — « C’est, dit-il, le mouvement seul qui, selon les différens effets qu’il produit, s’appelle tantôt chaleur et tantôt lumière. » — « Qu’un autre, » ajoute-t-il, avec la fierté du savant qui a conscience de parler comme parleront les siècles à venir, « qu’un autre imagine dans le corps qui brûle la forme du feu, la qualité de la chaleur et enfin l’action qui le brûle comme des choses diverses ; pour moi, qui crains de me tromper si j’y suppose quelque chose de plus que ce que je vois nécessairement y devoir être, je me contente d’y concevoir le mouvement de