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en sommes restés en matière départementale au rang du Danemark et de la Norvège, en faisant remarquer que ces deux royaumes ont accordé à leurs comités de districts des pouvoirs étendus, plus larges que ceux réclamés par M. Waddington.

M. Paul Deschanel, dans une série d’articles publiés tout dernièrement par le Temps, — articles très remarqués, — semble avoir repris la thèse soutenue par M. Waddington en 1871. M. Taine, dans ses Origines de la France contemporaine, a démontré aussi avec sa logique habituelle que l’état actuel était trop centralisé et que de grandes réformes étaient urgentes.

J’ai rapporté les raisons qui avaient fait diviser les provinces anciennes en départemens aujourd’hui trop nombreux à mon avis. Ces raisons n’existent plus, tout étant bien modifié depuis que la vapeur et l’électricité ont changé si profondément nos habitudes. Ce n’est donc pas pour avancer un stupéfiant et antipatriotique paradoxe que je demande s’il ne serait pas possible de changer ce qui est, de rétablir les anciennes limites de nos provinces ou quelque chose d’approchant, si l’on craint que la division en provinces ne cache une restauration du passé.

Aujourd’hui que les chemins de fer mettent les grands centres de population à quelques minutes des plus humbles localités, pourquoi donc, par des raisons multiples d’économie, de concentration, de vitalité provinciale, ne réduirait-on pas le nombre trop considérable, trop coûteux de nos départemens ? Avec les facilités actuelles de communication, un préfet peut aisément diriger quatre et même six sous-préfectures au lieu de trois sur lesquelles s’exerce sa surveillance. Un trésorier général suffirait pour les recettes des impôts et les paiemens de deux ou trois départemens, de même pour les ingénieurs en chef des travaux publics, et ainsi de suite, en ce qui concerne les directeurs des contributions directes, indirectes, etc.

Au point de vue budgétaire, les économies réalisées seraient immédiates, incontestables : moins de personnel, donc moins d’émolumens. Au point de vue administratif, une plus rapide expédition des affaires, puisque les rouages par lesquels elles passent aujourd’hui seraient moindres. En un mot, une sorte d’organisation excentrique, qui, sans rien enlever à la vigueur du pouvoir central de Paris, à l’unité qui réunit en un admirable faisceau les régions si tranchées de notre territoire, permettrait à la province de chercher ailleurs que dans la capitale, qu’elle encombre de ses déclassés, un champ pour son activité morale, industrielle et artistique.


EDMOND PLAUCHUT.