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et soit faite pour eux. » D’après Thouret, — le véritable promoteur de la division de la France en départemens, — « l’intérêt des gouvernés consiste en ce que le district de chaque administration soit mesuré, de manière que cette administration puisse suffire à tous les objets de surveillance publique et à la prompte expédition des affaires particulières. » « Une administration n’est bonne, soutient-il, qu’autant qu’elle administre réellement. Or, elle ne remplit bien cet objet que lorsqu’elle y est présente pour ainsi dire à tous les points de son territoire et qu’elle peut expédier avec autant de célérité que d’attention toutes les affaires des particuliers. Cette exactitude serait impossible à des administrations qui auraient un trop grand territoire. » Pour préciser davantage : « Voici, dit Target, l’un des rédacteurs du code civil, ce que nous avons voulu : c’est que de tous les points d’un département on puisse arriver au centre de l’administration en une journée de voyage ; il ne faut pas que le pauvre ait dix, quinze ou vingt lieues à parcourir pour parler aux administrateurs ; il faut qu’à chaque affaire, il les trouve en quelque sorte sous sa main, il faut que ses plaintes soient entendues promptement, qu’il aille, obtienne justice, revienne en un jour. » Enfin, dans de Nouvelles réflexions sur la division du royaume, le girondin Rabaut Saint-Étienne écrit : « Tous seront rapprochés de leurs administrateurs ; on n’ira plus chercher au loin la justice, c’est-à-dire la répartition du droit de chacun. Avec quel scrupule n’a-t-on pas calculé les dépenses et les pas qu’on voulait épargner au peuple, vérifié l’existence des communications, étudié les difficultés, évité les obstacles, consulté les mœurs et les habitudes ! »

C’est en raison de ces argumens, avec la carte de France sous les yeux et après avoir interrogé un à un les députés de chaque province, que l’assemblée constituante arrêta la division du royaume en 85 départemens et 85 chefs-lieux. Elle ne pouvait prévoir qu’une civilisation poussée à l’extrême ferait regretter cette mesure, et que ce serait à Paris où, en bien des cas, il faudrait s’adresser pour obtenir justice et une meilleure répartition du droit de chacun. Il n’est pas un des argumens d’alors qui ne serve aujourd’hui à combattre la thèse qu’ils soutenaient autrefois.


XIV. — CONCLUSION.

En terminant ce résumé de l’histoire du Berry, on est heureux de penser que, s’il devait être continué jusqu’à nos jours, l’on n’aurait plus à parler de luttes féodales, de guerres religieuses, de pestes horribles, de bûchers allumés par ordre d’évêques sans