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garnison. Lorsque, en 1651, le prince quitta son donjon, il continua avec Conti et la belle princesse de Longueville à fronder la cour, et c’est encore dans ce château de Montrond que se réunirent les mécontens. C’était l’asile de ce qu’il restait de frondeurs, et il n’est pas jusqu’à l’aimable Rabutin, comte de Bussy, qui ne s’y rendît. « Je crois, écrivait-il de là, à sa cousine Mme de Sévigné, que nous jouons aux barres ; cependant, votre party est le meilleur, car vous ne sortez pas de Paris, et moi je vais de Saint-Denis à Montrond, et j’ai peur qu’à la fin, je n’aille au diable. »

Si les frondeurs n’allèrent pas tous au diable, ils durent, du moins, se rendre aux troupes royales à la tête desquelles marchait Louis XIV ; il entra à Bourges le 7 octobre 1651. C’est en ce moment que le grand Condé, le prince de Conti, la duchesse de Longueville, les ducs de Nemours et de La Rochefoucauld furent déclarés, de par le roi et le parlement de Paris, qui ne le fit qu’en rechignant, désobéissans, rebelles et criminels. Le premier ordre du jeune souverain, en entrant à Bourges, fut pour la démolition de la Grosse-Tour, massive forteresse qui, depuis son édification, n’avait cessé d’être prise et reprise par des chefs de partis politiques ou religieux. Il fallut neuf ans pour la raser du sol. Le château de Montrond mit deux ans à capituler, mais, avec lui, se rendit également le parti des mécontens. Ce fut le dernier coup porté à la féodalité, et les grands jours d’Auvergne de 1665 en signalèrent les dernières convulsions. Le tiers-état, qui avait aidé la couronne dans cette œuvre, allait à son tour souffrir lourdement du despotisme royal. Par lettres patentes royales, le receveur de Bourges, son avocat, son procureur, son greffier, ses trente-deux conseillers, les capitaines, lieutenans et sergens de la milice urbaine, furent remerciés ou plutôt démis de leurs fonctions au profit de créatures entièrement dévouées aux volontés absolues du roi.

Condé ne reparut plus en Berry ; profondément atteint dans son orgueil qui était immense, le prince se mit à la tête des troupes espagnoles et se battit contre la France jusqu’en 1659, date du traité des Pyrénées. Quant à Conti, il épousa prudemment une nièce du cardinal Mazarin, recevant, en cadeau de noce, le titre de gouverneur-général du Berry, titre si longtemps porté par son frère. L’épouse du prince rebelle, une Maillé-Brézé, quoique ayant montré le plus grand dévoûment à son époux, aussi bien en Berry qu’en Guyenne, mourut délaissée après avoir été longtemps détenue dans la prison de Châteauroux, où son mari l’avait fait enfermer. Un page de son fils, parent de Mme de Sévigné et de Bussy-Rabutin, aurait été cause de la détention sévère et peut-être imméritée de cette princesse.