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900,000 livres lui fut versée, pour le dédommager de ses frais de guerre.

En 1596, Henri IV donna la jouissance du duché de Berry à Louise de Lorraine, veuve d’Henri III. Avant de se retirer définitivement à Moulins, elle avait quitté Chenonceaux pour venir habiter Bourges où une réception solennelle lui fut faite. A son entrée, les instrumens « sonnèrent bien mélodieusement, » dit un chroniqueur, et sa présence fut comme la garantie d’une paix que chacun souhaitait. Les affaires reprirent leur cours, et c’est alors que l’on constata combien de forteresses et de villes avaient été démantelées pendant les guerres civiles. Leur nombre était considérable. On ne songea pas à relever les premières ni à fortifier de nouveau les secondes, par crainte d’un retour aux habitudes batailleuses du moyen âge, et, avec elles, des calamités qui en avaient été le cortège.

Je dois signaler une curieuse exception à cette idée de la noblesse de ne plus faire construire. Maximilien de Béthune, duc de Sully, le compagnon d’armes et le ministre agronome du roi Vert-Galant, eut le désir d’édifier toute une ville dans le franc-alleu, ou principauté indépendante de Boisbelle. Est-ce le choix que Sully fit de cette terre du Berry, qui lui fit dire que « le labourage et le pasturage étaient les mamelles dont la France s’alimentaient, les vrayes mines et trésors du Pérou ? » C’est très probable. Tout était prêt pour l’exécution du projet : emplacement choisi sur un plateau, non loin de Boisbelle, les noms des rues arrêtés, celui de la ville qui devait s’appeler Henri-Mont, — devenu Henrichemont, — quand l’assassinat d’Henri IV mit tout en question. Sully, qui redoutait un sort semblable à celui de son maître, se retira de la cour et se réfugia à Montrond. De la ville projetée, il ne reste plus qu’une place qui devait porter le nom de Béthune, et quatre tracés de rues à angles droits, aboutissant aux quatre portes de la ville rêvée. Sully, qui n’avait plus de persécution à craindre, était resté protestant, et les catholiques se gaussèrent fort de son idée de construire une cité, dans un pamphlet où se lisait : « Dieu sera servy en ladite ville, à la fantaisie du prince d’icelle, nonobstant le concile de Trente, auquel, quant à présent, sera dérogé. — La foy et les cérémonies de la primitive église seront bannies comme surannées, ne servant qu’à tenir le peuple en honneur et obéissance, vice contraire à la réformation du temps qui court… — Tous, juifs, musulmans, anabaptistes, martinistes, zungliens, puritains, calvinistes, et autres telles gens de bien, y seront admis, avec la liberté de conscience tant nécessaire pour maintenir au monde l’indévotion et l’irréligion… — Tous mariages