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UN
ROMAN DE RUDYARD KIPLING

The Light that failed. London, 1891.

Il n’y a guère que deux ou trois ans qu’on parle de Rudyard Kipling, et déjà il est presque célèbre ; ses courtes esquisses, pleines de virile énergie, de feu, de puissance descriptive et dramatique, ont intéressé des milliers de lecteurs à la vie anglaise dans l’Inde, comme les tableaux non moins sobres et non moins colorés de Bret Harte avaient intéressé le monde entier à la vie californienne. De même que Bret Harte, Rudyard Kipling a le rare mérite d’avoir bien vu et observé de très près ce qu’il peint. Dès son enfance, il fut en contact avec les indigènes, les soldats, les officiers, les fonctionnaires coloniaux, qui lui ont fourni des types d’une incontestable nouveauté. Parmi les petites nouvelles publiées sous le titre de Plain tales from the hills, vingt-huit parurent d’abord dans la Gazette civile et militaire. Depuis, toutes les revues anglaises se sont disputé les productions d’une plume dont le premier mérite est d’être originale. Des admirateurs imprudens ont même exagéré l’enthousiasme jusqu’à rapprocher du grand nom de Dickens le nom de ce jeune homme de vingt-trois ans ! La comparaison ne saurait se soutenir d’aucune manière, car bien loin de laisser, comme Dickens, sa personnalité se fondre et s’absorber dans celle