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vallée du Pô. C’est une conjecture qui concorde bien avec ce que la philologie nous apprend de l’état de ces Italiotes au moment où ils se séparèrent des Grecs, et M. Helbig l’a démontré habilement dans son livre sur les Italiotes dans la vallée du Pô. On retrouve d’ailleurs cette même civilisation dans des pays certainement habités à une époque postérieure par ces Italiotes : Ombrie, Picénum et Latium. D’autre part, il ne paraît pas possible de dénier aux Étrusques cette primitive période, qui se relie avec des modifications, mais sans solution de continuité, aux périodes suivantes, démontrées entièrement étrusques par les inscriptions et beaucoup d’autres témoignages. Donc, ce semble, les Étrusques eux-mêmes devraient être des Italiotes. Cependant leur langue, si totalement distincte des idiomes italiques, s’oppose à cette conclusion. Il faut donc admettre tout au moins qu’ils ont adopté la civilisation italique sans appartenir à la même famille de peuples. A quelle époque a eu lieu cette fusion ? Quand les Étrusques sont-ils entrés en Italie, et par où ? Autant de problèmes qui, dans l’état actuel de la science, ne paraissent pas susceptibles de solution.

Les mots changent de sens à mesure que se transforment les idées ou les faits qu’ils doivent représenter. L’archéologie n’est pas ou n’est plus, en Italie et à Rome, où de perpétuelles découvertes la tiennent en éveil, ce qu’elle est en maint autre pays pour une partie de l’opinion, une science étroite, quelque peu myope, digne au demeurant d’un indulgent intérêt. Elle y est bien plutôt, grâce « à la méthode comparative et à la critique érudite, l’actif et puissant organe d’une étude pénétrante du passé à l’aide des monumens, des plus considérables et des plus humbles. C’est parfois, nous l’avons vu, en s’adressant aux plus humbles, par exemple à ces pauvres débris contenus dans les sépultures les plus antiques, qu’elle prouve le mieux sa force. Seule habile à interpréter ces témoins souvent uniques des civilisations primitives, elle obtient des lueurs sur le passé lointain de l’humanité, sur les problèmes ethnographiques ; elle devient l’émule de la philologie comparée. Plus souvent encore, elle étudie les œuvres de l’art, et, comme l’art est l’expression directe des sentimens, des idées religieuses ou morales des peuples, elle se donne pour objet et obtient pour résultat de dégager et de suivre sous leurs aspects multiples ces hautes manifestations du génie humain. À ces titres et à d’autres encore, elle est un précieux organe et de la science et de la culture littéraire.


A. GEFFROY.