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et, depuis, à travers les siècles ; mais ceux qui y recherchaient avant tout les riches objets ont dédaigné à tort tant de témoignages familiers de la vie des Étrusques. En étudiant ces restes du passé, en les comparant avec les débris analogues que contiennent d’autres vastes nécropoles ouvertes de nos jours en diverses parties de l’Europe ou même du monde oriental, la critique de notre temps parvient à quelque connaissance un peu moins imparfaite de ces peuples mystérieux. Je ne parle pas d’un autre vœu de la science, qui, bien entendu, domine tous les autres en cette question : elle invoque et attend l’heureux jour où quelque bonne fortune lui offrira enfin une inscription de nature à donner la clé de la langue étrusque[1]. Les textes écrits en cette langue ne nous manquent pas ; les caractères étrusques nous sont, un à un, reconnaissables ; ils ont servi à des langues que nous savons interpréter, l’ombrien, l’osque, le latin primitif ; nous lisons en étrusque les noms propres, les noms de nombre ; mais là s’arrête notre succès, et la langue propre de l’Étrurie reste absolument secrète, sans qu’on puisse même savoir à quel groupe, à quelle race il convient de rattacher ce peuple, ni quand il est venu en Italie, ni par quels chemins il a passé.

M. Gsell s’est voué résolument à la minutieuse et patiente enquête que la science réclame, et dont on n’avait encore que bien peu d’exemples pour ce qui concerne le monde étrusque : les meilleurs de ces exemples sont ceux qu’ont donnés M. Helbig, M. Ghirardini et M. Pigorini dans leurs récens travaux. Il y faut une sévère méthode, seule capable d’éviter la confusion et de rendre possibles après coup les comparaisons nécessaires ; ces comparaisons elles-mêmes réclament une très vaste lecture, une érudition étendue, la précision la plus rigoureuse. Il suffira de parcourir le volume de M. Gsell pour se convaincre qu’il a satisfait à toutes ces conditions avec une remarquable énergie. Il a donné non pas un livre de divulgation ni de mise en œuvre des élémens déjà découverts, mais un travail de première main, où d’innombrables renseignemens sont amassés en bon ordre, mais aussi comparés habilement entre eux. Nous avions déjà dans le livre de M. Jules Martha sur l’art étrusque un excellent exposé des connaissances acquises ; nul ne pourra reprendre les études sur l’Étrurie sans adopter celui de M. Gsell comme un nouveau point de départ, puisqu’il contient tant d’informations, nouvelles, sévèrement observées.

  1. De grandes espérances paraissent s’élever à ce sujet en ce moment même. Un manuscrit étrusque sur toile, découpé en bandelettes, enveloppait une momie égyptienne, donnée en 1808 au musée d’Agram. On vient de commencer l’étude de ce manuscrit jusqu’à ce jour non remarqué.