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Il n’est presque plus une fouille profonde dans Rome ou dans le reste de l’Italie, et l’on peut dire en Europe, qui n’offre, si elle rencontre quelqu’une de ces nécropoles antiques si fréquentes, de très anciens mobiliers funéraires jadis dédaignés ; ces humbles objets, témoins d’un si lointain passé, commencent d’occuper dans les musées archéologiques la place qui leur est due. Le nouveau musée de la villa di papa Giudio, à Rome, est particulièrement digne de remarque à cet égard. Il contient un choix des objets trouvés, à la suite des fouilles récentes, dans la nécropole de Cività-Castellana, l’antique Falérie. Or cette nécropole a été sans cesse en usage, depuis les plus anciens temps jusqu’à l’époque impériale et au-delà. Par un très ingénieux arrangement des objets qu’on y a recueillis, le contenu de chaque tombe principale, avec un dessin figurant la tombe elle-même et tout ce qu’elle contenait, s’offre au visiteur à son rang chronologique. La longue série ainsi exposée commence bien avant la fondation de Rome, en des siècles de beaucoup antérieurs, voisins de ceux que les découvertes de Schliemann ont révélés ; elle se termine au temps des Antonins, alors que la diffusion de la romanité efface toutes les distinctions locales. Considérée dans son ensemble, elle montre le progrès continu de la civilisation et de l’art dans une région centrale de l’Italie depuis de très antiques origines. Le premier regard, dès l’entrée, rencontre deux énormes troncs d’arbres sciés dans la longueur et creusés pour servir de cercueils : des fragmens d’ambre, des anneaux, des boucles, des fibules, des bracelets en bronze y sont contenus. Les premières vitrines aussi n’offrent que le bronze et l’ambre, avec la céramique grossière qui a précédé l’invention de la roue du potier. Dans les vitrines suivantes, la céramique se modifie, elle emprunte les ornemens géométriques, puis le dessin des animaux et des fleurs ; la série des métaux se complète ; les influences étrangères, phénicienne et grecque, interviennent ; un art d’emprunt, puis un essai d’art local, puis l’art gréco-romain dans tout son développement, sont attestés par les vases peints, les bijoux d’or, les œuvres de sculpture. On a sous les yeux tout un développement qui remonte à des époques dont nous ne soupçonnions pas les vestiges. La date de la fondation de Rome marque désormais, dans nos souvenirs archéologiques, une période relativement moderne.

La dernière sérieuse enquête qui se soit accomplie dans l’ordre de ces belles études est celle qu’a poursuivie, au nom de l’École française de Rome, un de ses membres, M. Stéphane Gsell, dont le volume sur les fouilles de Vulci a paru il y a quelques mois. Le chef actuel de la puissante maison Torlonia, qui continue les