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point Pallas, c’est Apollon Citharède. Le maladroit auteur de la restitution n’a pas remarqué ou n’a pas compris, et il a essayé de faire disparaître un ressaut du vêtement, au côté gauche de la poitrine. Là s’appuyait la cithare, que retenait la main gauche, tandis que la droite présentait probablement une coupe. Braun, dans son excellent manuel, Ruinen und Museen Roms, avait le premier fait ces ingénieuses remarques ; M. Helbig les étend et les confirme. Il rappelle que tels étaient l’attitude et le vêtement de la statue d’Apollon Citharède élevée dans le temple de Daphné à Antioche sur l’Oronte ; il cite une monnaie d’Antiochus Épiphane donnant la même représentation. Il remarque en outre que les monnaies d’Auguste figurent particulièrement ainsi l’Apollo Actius consacré à la gloire d’Auguste après la bataille d’Actium.

C’est ce qui nous permet de proposer à côté de ses observations une conjecture. Cette statue, avant d’appartenir aux galeries du Vatican, était dans le jardin du palais Ottoboni-Fiano. Tout visiteur de Rome a pu admirer, sous le vestibule de ce palais, situé au coin de la place San-Lorenzo in Lucina et du Corso, de belles sculptures que des fouilles pratiquées en ce lieu à diverses dates ont mises au jour. Il y avait là, dans l’antiquité, un autel, une Ara pacis érigée à la gloire d’Auguste de retour après une campagne victorieuse. Plusieurs bas-reliefs qui ornaient jadis les diverses faces de l’autel et sans doute aussi quelques monumens qui en dépendaient sont aujourd’hui encastrés dans la façade intérieure de la villa Médicis, à Rome, ou conservés dans le musée de Florence. Si la statue qui nous occupe a été trouvée dans ce même lieu, ce qu’on ne sait pas encore, il n’y a pas témérité à conjecturer qu’elle ait pu être un Apollon Actius, et qu’elle ait figuré dans le vaste édifice consacré à l’empereur. Qui sait si la prétendue Pallas n’a pas été un Auguste ? Les exemples ne manquent pas de statues offrant l’exact portrait des empereurs divinisés.

Veut-on un second exemple de ces observations critiques qui rectifient notre intelligence des monumens de l’antiquité en montrant les interprétations fausses d’autrefois ? Tout le monde connaît la célèbre Méduse mourante, — ainsi la désignent les anciens catalogues, — de la villa Ludovisi. Cette dénomination doit probablement être changée, et remplacée par celle-ci : Tête d’une Erinnys endormie. Si, en effet, l’on considère attentivement et de près cette belle sculpture, on s’aperçoit vite que la plaque de marbre qui la supporte n’en faisait pas primitivement partie, et que la figure a été sculptée pour la position horizontale, — les cheveux épars qui tombent d’un seul côté l’indiquent suffisamment. Il n’y a aucun des attributs de Méduse, aucun serpent