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chargeait spécialement de la partie épigraphique ; M. Helbig, lui, avait particulièrement le domaine de l’archéologie figurée. On peut dire que, pendant trente ans, pas une fouille considérable, pas une acquisition importante ne s’est faite en Italie qu’il n’en ait été le témoin attentif, s’il n’en était pas le conseiller ou l’arbitre. Il a répandu à profusion, dans les nombreux volumes qu’a publiés l’Institut de correspondance, les mémoires, les dissertations, les observations critiques. Il a publié en outre, sur les peintures murales de la Campanie, sur l’archéologie de l’époque homérique, sur l’émigration des populations italiques, des ouvrages d’une science pénétrante et hardie.

De ses deux nouveaux volumes[1], le premier comprend les galeries du Vatican, celles du Capitole et du Laterano ; le second contient la villa Albani, la villa Borghèse, le palais Spada, le musée des Thermes de Dioclétien et le musée étrusque du Vatican. Son plan est partout le même. A la manière d’un guide, il suit l’ordre selon lequel les monumens sont exposés dans les galeries, et il explique, un à un, ceux qui méritent un commentaire. Il analyse d’abord avec soin quelles restaurations la statue ou le bas-relief a subies ; il recherche la provenance et l’origine ; il décrit l’attitude et le geste et interprète le sens général. Il indique enfin quels ouvrages contiennent une représentation figurée, quelles dissertations ou quels mémoires ont discuté avant lui l’interprétation d’ensemble. On peut dire d’un tel livre, dû à un savant d’une telle expérience, qu’il offre sur tout ce qui concerne les œuvres de l’art antique conservées dans les galeries de Rome le dernier mot de la science, et qu’il y ajoute.

Il est curieux de voir, si l’on parcourt les galeries romaines en la compagnie d’un tel guide, mainte statue des plus célèbres se transfigurer étrangement. M. Helbig rend à plus d’une son attitude primitive, ses bras, sa tête, parfois même son sexe. Voyons, par exemple, comment se transforme désormais la Pallas bien connue qui se trouve dans la salle de l’Ariane endormie. C’est la Minerva pacifera des anciens catalogues, gravée dans Visconti. Elle tient de la main droite un casque et de la gauche une branche de laurier, l’un et l’autre objets en bronze. Par malheur, la tête, qui est antique, il est vrai, est rapportée, et d’un autre marbre. De plus, cette tête de femme est sur un corps d’homme : tout le buste, quoique vêtu, apparaît évidemment viril. Les deux attributs sont des bronzes antiques, mais empruntés d’ailleurs. Les deux avant-bras sont d’invention moderne. Ce n’est

  1. Une très bonne traduction française, due à M. Toutain, membre de l’École française de Rome, et faite sous les yeux de l’auteur, en paraîtra prochainement.