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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.

Quand on est dans une situation fausse ou équivoque, quand on s’y est engagé et pour ainsi dire enfoncé à plaisir, comme on l’a fait depuis quelques années, on n’en sort pas aisément, c’est trop certain. L’esprit de parti, et à plus forte raison l’esprit de secte, qui est le grand coupable de toutes les déviations, est implacable dans ses aveuglemens. D’abord, on ne veut pas avouer qu’on s’est trompé, qu’on a fait fausse route, et plutôt que de s’arrêter résolument, on va à la dérive, au risque d’épuiser les mécomptes, de sacrifier par de stériles compromis la paix publique elle-même, les plus précieux intérêts du pays. On se débat dans toutes les contradictions, un jour essayant de se ressaisir parce qu’on sent à demi la vérité, la force des choses, le lendemain retombant sous le joug des solidarités périlleuses et des entraînemens dont on comprend le danger, auxquels on n’ose résister. On mêle toutes les politiques sans se fixer, sans se décider à faire un choix, surtout sans sortir de l’équivoque où l’on traîne une vie toujours disputée, toujours tiraillée. Gouvernement et parlement restent pris entre les courans contraires, — et c’est justement, si l’on peut ainsi dire, au confluent de ces courans opposés, tourbillonnans, que le dernier ministère a momentanément disparu, qu’un ministère nouveau a fait son apparition. Est-ce bien un nouveau ministère ? N’est-ce pas plus simplement la continuation de l’ancien et par les hommes qui le composent et par l’esprit qui l’inspire ? C’est ce qui resterait à savoir ; c’est ce que la déclaration portée par le nouveau président du conseil au parlement et la courte discussion qui s’est engagée aussitôt n’éclaircissent peut-être encore que d’une manière peu décisive.

Un seul fait est certain, c’est qu’il y a eu un changement, un remaniement, et que ce ministère, ainsi reconstitué ou rajusté, a cru devoir se donner un programme pour son avènement. Le président du conseil, M. Loubet, a fait son entrée avec assurance, en homme