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princes de Condé, comme beaucoup d’entre eux faisaient double emploi avec ceux de collections déjà existantes ou d’autres collections également confisquées à des émigrés, on les répartit entre les musées et cabinets des écoles centrales des départemens que fonda la Convention. Ceux que l’on conserva à Paris furent mélangés, classés au mieux suivant le système fameux de Wallerius, encore en usage à cette époque, sans souci de leur provenance. Depuis le commencement du siècle, ces classemens, devenus à leur tour trop anciens, ont été abandonnés et chaque échantillon a été de nouveau placé et replacé conformément aux principes nouveaux de la science.

Quand le prince de Condé revint en France en 1814, un des premiers soins de ses mandataires fut de réclamer les objets de ses collections. Le ministre de l’intérieur d’alors, l’abbé de Montesquiou, donna l’ordre au directeur du Muséum de rendre ce qu’il en restait. On fit comme d’habitude quelques difficultés, l’administration répondit qu’il était impossible de retrouver les minéraux du roi de Suède, puisqu’on en avait disposé, en partie, pour des établissemens de province et qu’on ignorait l’identité de ceux qui pouvaient encore subsister à Paris. Le prince de Condé, qui attachait plus d’importance au meuble qu’aux minéraux, ne réclama plus que celui-ci, sans souci du reste. On le lui rendit en 1816[1], et une fois rentré à Chantilly, on le remit en état, on y rétablit l’ancienne inscription relatant la donation, et aujourd’hui il se trouve dans l’une des salles du château, entouré d’objets d’art et d’histoire.

La plupart de ceux qui le voient dans le salon où il est ne se doutent pas qu’il vint, il y a un siècle, en même temps que les rhinocéros, les girafes et les cacatoès de la ménagerie de Versailles, contribuer à la création du Jardin des Plantes, et tandis que depuis ces animaux sont morts, il subsiste et rappelle les généreux efforts de la Révolution française pour la création d’établissemens scientifiques, et témoigne davantage encore de la munificence d’un prince de la maison de France, qui, agissant dans le même dessein, a mis, par un don splendide, son pays en possession d’une des collections les plus belles qui existent au monde.


GERMAIN BAPST.

  1. Voir, aux archives du Muséum (carton de la correspondance), les lettres en date des 7-8 juillet, 13-17 août 1814, échangées à cet effet.