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subsistances soixante tonneaux de farine vides, qu’il fait envoyer à Chantilly et qui servent à emballer les objets de la collection, économisant la confection des caisses. Il insiste aussi pour qu’on lui délivre les parquets des principales pièces du couvent du Val-de-Grâce qu’on vient de séculariser[1], et, les ayant obtenus, les amène dans les salles du deuxième étage de la grande galerie du Muséum, que Buffon avait fait élever, mais qui n’est pas encore aménagée[2].

Puis il donne l’ordre au menuisier du Muséum, le sieur Lasseigne, et à l’entrepreneur des transports Sellier, de se rendre à Chantilly, de procéder à l’emballage des collections, et de les conduire par bateaux jusqu’à Paris.

Le travail d’emballage fut long. Comme la Convention n’avait répondu aux objurgations de Daubenton qu’en accordant un crédit de quinze mille francs, cette somme fut bientôt absorbée, et les ouvriers refusèrent de continuer leur besogne si on ne les payait pas. Il fallut obtenir successivement, par les moyens les plus détournés, la délivrance réitérée de petites sommes qui permirent de ne pas laisser abandonner les travaux en cours. Enfin, après bien des difficultés, les soixante barils, les vitrines, les tables, ainsi que le fameux meuble de Gustave III, qui avait fait l’admiration des commissaires et qu’ils estimaient cinq mille francs, arrivèrent au Muséum par les flotteurs de l’Oise et de la Seine.

Daubenton n’était pas encore à la fin de ses peines : une fois en possession de la collection et des divers matériaux destinés à l’exposer, il n’avait plus un sou en caisse, et il se trouvait dans l’impossibilité d’aménager les salles, de poser les parquets du Val-de-Grâce, de monter les armoires et les vitrines et d’y installer les objets. Il avait beau renouveler ses instances auprès de la Convention, aucune réponse favorable ne lui arrivait, et il n’y avait pas de raison pour que les objets et les vitrines ne demeurassent à jamais relégués sous un hangar, lorsqu’une circonstance des plus fortuites permit de procéder à l’installation des collections et assura au muséum d’histoire naturelle une importance considérable.

  1. Toutes ces ressources extraordinaires auxquelles eut recours Daubenton amenèrent dans le devis une économie totale de 25,275 livres ; rien que l’emploi des parquets du Val-de-Grâce substituait une dépense de 3,250 francs à une dépense primitive de 13,850 francs.
  2. Cette galerie qui existe encore aujourd’hui, mais qui ne sert plus que de magasin, se trouve en bordure de la rue Geoffroy-Saint-Hilaire (ancienne rue du Jardin-du-Roi). Jusque vers 1833, elle fut la seule dont se composa le musée, et elle n’avait primitivement qu’un seul étage.