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où ils détruisirent quelques armoiries et brisèrent deux ou trois statues des princes de la famille de Condé[1], puis sur Chantilly, où ils enlevèrent les pièces de canon ou plutôt les petits modèles d’artillerie du système Vallières, que l’on voit encore au musée d’artillerie, et mutilèrent aussi quelques marbres[2].

Heureusement, sauf des matelas, des couvertures et des draps ou autres effets de logement, rien des collections ou des meubles de valeur ne fut pillé. Le cabinet d’histoire naturelle entre autres n’eut pas à souffrir de cette expédition, mais comme il avait une très grande réputation, le directoire du district de Senlis craignit qu’on ne le dilapidât en en distrayant quelques-uns des objets qu’il renfermait, principalement des pépites ou échantillons d’or représentés au nombre de cent vingt, et qu’il était facile de dissimuler et de réaliser ensuite. Par une série de lettres, il insista auprès du ministre de l’intérieur et de la commission d’instruction publique de la Convention nationale pour qu’on le débarrassât de la responsabilité qui lui incombait, en faisant transporter à Paris cette collection[3].

A la fin de l’année 1792, les administrateurs du district de Senlis firent un récolement sommaire et constatèrent que rien n’avait été détourné ou dérangé, « sauf le catalogue qu’avait dressé Valmont de Bomare et qu’il fut impossible de retrouver. » Cela aurait été d’autant plus difficile que ce catalogue n’avait jamais existé et que Valmont de Bomare s’était contenté d’étiqueter chacun des objets sans en faire un inventaire raisonné[4].

Le 27 mars 1793, la Convention nationale rendit un décret chargeant deux membres de la commission des monumens et les citoyens Bernardin de Saint-Pierre et Daubenton[5] d’aller prendre possession des objets du cabinet d’histoire naturelle et de les faire transporter au Jardin des Plantes de Paris. Daubenton, à cause de son grand âge et de ses infirmités, refusa cette mission ; il fut remplacé par un autre professeur du Muséum, Valentiennes, auquel on adjoignit le citoyen Gaillard, marchand d’histoire naturelle, c’est-à-dire empailleur d’animaux.

Bernardin de Saint-Pierre et ses collègues allèrent à Chantilly et

  1. Voir le rapport conservé aux Archives de Seine-et-Oise ; pièces révolutionnaires concernant la commune d’Écouen.
  2. Rapport du directoire du district de Senlis. (Archives nationales F17 1131.)
  3. Archives nationales F17 1131.
  4. Voyez la lettre de Valmont de Bomare au ministre de l’intérieur du 17 décembre 1792. (Archives de Condé.)
  5. Lettre du 4 avril 1793 adressée par le ministre de l’intérieur au président de la Convention nationale. (Archives nationales F17 1131.)