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classement en était inspiré par l’une des illustrations de son pays, il commanda au plus célèbre ébéniste de Suède, Gustave Haupt, qui avait été longtemps apprenti dans les ateliers parisiens, un meuble d’une forme bizarre, destiné à contenir les types des minéraux du nord de l’Europe classés dans des casiers multiples, suivant les principes de Wallerius.

Ce meuble est un des plus extraordinaires chefs-d’œuvre de l’ébénisterie. De forme rectangulaire et monté sur pied, sa charpente est en bois de rose et ses côtés décorés de marqueterie, en peuplier ou sapin colorié (c’est ainsi, du moins, que l’a décrit Bernardin de Saint-Pierre). La partie supérieure formée en piédestal, avec gorge et frise en bronze doré, supporte une pyramide de cristaux constituant une masse considérable et quelque peu informe pour l’œil. Au centre de l’entablement sur lequel repose la partie supérieure du meuble avec cette masse de minéraux, sont en relief les armes de Condé en bronze fondu, ciselé et doré, surmontées de la couronne fleurdelisée de prince français, avec les bâtons de grand maître et les colliers des ordres. Le centre du devant du meuble s’abat quand on l’ouvre, comme une table de secrétaire, et sert de pupitre. Quand il est fermé, il présente une grande surface verticale, décorée d’une marqueterie de bois de diverses couleurs rehaussés de mastics également polychromes, représentant des guirlandes de fleurs et de lauriers, avec des torches allumées, symbole du flambeau de la science, des marteaux et autres outils nécessaires aux arts et à l’industrie.

À l’intérieur se trouvent vingt-quatre petits tiroirs de même forme, contenant chacun un grand nombre de cases dans lesquelles le roi de Suède avait fait mettre les échantillons minéralogiques.

En arrivant, ce présent royal reçut une place d’honneur, dans la première des quatre salles de la galerie d’histoire naturelle qui existaient au moment de la Révolution.

La première était le cabinet de physique ; on y pénétrait par une galerie célèbre dans l’histoire du château, nommée galerie « des Conquêtes » ou des « Actions de M. le Prince[1], » parce que les victoires du grand Condé y étaient représentées en douze grands tableaux. Tout porte à croire que ce salon de Chantilly donna au roi Louis-Philippe, lorsqu’il créa le musée historique de

  1. Voir la disposition de cette partie du château qui n’a pas été détruite, dans Blondel, Traité d’architecture. — Dulaure, Histoire des environs de Paris ; Paris, Fume, 1838, 6 vol. in-8o. — Mérigot, Promenades et itinéraires des jardins de Chantilly ; Paris, 1791, p. 24.