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histoire d’un cabinet minéralogique.

diplomates même, sont sans cesse chargés de lui procurer des pièces pour sa collection ; à Paris, enfin, il achète à des marchands, ou se fait céder par des amateurs, des séries d’objets déjà toutes constituées[1]. Aussi, lorsqu’il meurt, en 1740, le cabinet de Chantilly existe-t-il déjà, et son fils et héritier, le futur généralissime de l’armée émigrée, appelle pour le diriger un savant français du nom de Valmont de Bomare[2].

La minéralogie était de beaucoup la partie la plus importante de ce cabinet. Or, au milieu du XVIIIe siècle, cette science était encore fort peu avancée, quand un savant suédois, Wallerius, professeur à l’université d’Upsal, inventa une classification nouvelle, qui, pour l’époque, fut considérée comme des plus pratiques, et adoptée dans tous les milieux scientifiques ; il divisait le règne minéral d’après les apparences physiques et extérieures des corps, en quatre classes ; les pierres, les terres, les minerais et les concrétions. On était encore bien loin du classement minéralogique moderne fondé sur deux sciences premières, la chimie et la cristallographie, par l’étude desquelles on détermine la composition et la formation des matières, pour leur appliquer leur famille et leur espèce.

En France, Valmont de Bomare se fit le propagateur le plus ardent du système de Wallerius ; il traduisit ses principaux mémoires en français et, mettant ses principes en pratique, il classa le cabinet minéralogique de Chantilly suivant les règles qu’il avait données.

Lorsqu’en 1783 le roi Gustave III vint en France, il reçut à Chantilly une hospitalité grandiose ; les chasses, les fêtes, les bals et les festins se multiplièrent en son honneur. De retour dans ses États, il voulut témoigner au prince de Condé sa reconnaissance d’une façon qui fût agréable à son hôte, et, comme il avait été frappé de l’importance de son cabinet minéralogique, et que, d’autre part, on n’avait pas manqué de faire valoir que le

  1. Voir les papiers (quittances, inventaires, notes, etc.), concernant la composition des différentes parties de cette collection. Papiers confisqués au moment de la Révolution, envoyés à Paris et conservés dans les archives du muséum d’histoire naturelle de Paris, carton n° 1. — Nous devons à cette occasion remercier particulièrement M. Chaizal, chargé de la conservation des archives du Muséum, pour l’amabilité avec laquelle il nous a accueilli et pour tous les renseignemens qu’il a bien voulu nous donner et qui ont considérablement facilité nos recherches.
  2. Valmont de Bomare, né à Rouen en 1731, mort à Paris en 1807, naturaliste, auteur de nombreux ouvrages dont les principaux sont : Traité de minéralogie ou Nouvelle exposition du règne minéral, avec un Dictionnaire nomenclateur et des tables synoptiques, 1772, 2 vol. in-8o ; Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle, dont cinq éditions, variant de 5 à 10 volumes, parurent successivement de 1765 à 1800.