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Stoa Poikilé conservât encore, au temps de Théodose II, les peintures de Polygnote. L’Athéna chryséléphantine de Phidias orna le Parthénon jusqu’en 429 : à ce moment, elle fut enlevée par des chrétiens, sans que l’on ait réussi à découvrir où et comment a péri ce chef-d’œuvre fameux entre tous.

Cependant, l’essor de la nouvelle capitale de l’empire d’Orient ne pouvait pas manquer, à la longue, de faire dériver du côté du Bosphore les élémens de vitalité et de richesse que la Grèce avait retenus jusqu’alors. L’embellissement de Byzance coûta également à Athènes les dernières de celles de ses œuvres d’art qui étaient susceptibles d’être transportées au loin. Les empereurs païens avaient donné le signal de ces expropriations pour cause d’utilité publique ; les empereurs chrétiens s’engagèrent résolument dans la même voie, et enlevèrent les chefs-d’œuvre de Praxitèle, de Myron, de Lysippe et de tant d’autres statuaires célèbres. A un moment donné, la primitive basilique de Sainte-Sophie renfermait quatre cent vingt-sept statues grecques, le plus étonnant musée de sculpture que l’imagination puisse rêver, et dans le nombre une foule de divinités, fort surprises, à coup sûr, de servir d’ornement à un sanctuaire chrétien. Notons à ce sujet que les Byzantins de la première heure n’éprouvaient nullement pour les productions de la sculpture la même aversion que leurs héritiers du VIIe ou du VIIIe siècle, qui en vinrent, en véritables iconoclastes, à proscrire tout ce qui pouvait rappeler les idoles, c’est-à-dire toutes les statues grandes ou petites. De même que dans la Rome impériale, les effigies monumentales des souverains s’élevèrent sur les places publiques : la statue équestre de Justinien subsista jusqu’en plein XVe siècle ; un dessin, conservé au sérail et récemment publié par M. le docteur Mordtmann dans la Revue de l’art chrétien, nous montre l’empereur coiffé de la toufa, espèce de diadème à plumes, la droite levée, la gauche occupée à tenir le globe : ce n’est plus un dieu, mais c’est encore quelque chose de plus qu’un simple mortel.

En résumé, le drainage administratif et scientifique, on est en droit de l’affirmer, causa plus de dommages à Athènes que les dévastations des Barbares, et lord Elgin put s’autoriser d’illustres exemples lorsqu’il dépouilla le Parthénon de ses frontons et de ses métopes.


II

Du VIe au Xe siècle, des ténèbres impénétrables masquent les vicissitudes de la malheureuse Athènes : certains érudits sont allés jusqu’à affirmer que pendant cette longue nuit la patrie de Périclès