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secours ; je veux dire que de toutes les conquêtes précédemment réalisées par lui, il n’a entendu mettre en œuvre qu’une seule, la méthode historique et le secret, non moins précieux, de présenter ses récits sous la forme la plus attachante.

L’Histoire d’Athènes au moyen âge fait pendant à l’ouvrage classique de Grégorovius, L’Histoire de Borne au moyen âge, quelles que soient d’ailleurs les différences entre les deux cités : Rome, siège de l’Église, redevenant capitale de l’Europe civilisée ; Athènes tombée au niveau d’une simple bourgade ; Rome reprenant et développant les enseignemens du monde antique, Athènes en perdant jusqu’au souvenir. Il est vrai qu’à la place d’Athènes un autre centre intellectuel surgit dans l’empire d’Orient et propagea plusieurs siècles durant, contrairement à l’opinion commune, la culture classique sous toutes ses faces, dans l’art aussi bien que dans la littérature. Mais en remplissant ce rôle glorieux, Byzance y apporta les préoccupations théologiques et l’étroitesse de conception qui s’incarnent dans le mot byzantinisme. Il n’en est pas moins certain que ce furent des savans byzantins, les Gémiste Pléthon, les Bessarion, les Lascaris, qui apportèrent en Italie, au XVe siècle, la bonne parole et provoquèrent le triomphe que la philosophie platonicienne remporta sur les enseignemens d’Aristote, donnant ainsi à tout l’ensemble de la renaissance sa physionomie hautement spiritualiste.


I

À l’époque de la fondation de la ville qui devait si promptement l’éclipser, Athènes possédait encore assez de prestige pour que Constantin, ses successeurs et jusqu’au fanatique Théodose, évitassent de toucher, soit à ses institutions, soit à son enseignement, soit à ses monumens, chefs-d’œuvre consacrés par une admiration séculaire. Telle était la fascination de la civilisation hellénique qu’en plein ive siècle un des héritiers de l’empire forma le projet, pendant qu’il étudiait à l’université d’Athènes, de rompre avec la religion de la majorité de ses sujets et de revenir aux anciens dieux. Mais une extrême tolérance semble avoir également tempéré chez les professeurs athéniens l’ardeur des convictions philosophiques, car, en même temps que Julien l’Apostat puisait dans leurs leçons le culte du polythéisme, deux autres jeunes gens, non moins fameux dans la suite, saint Grégoire de Nazianze et saint Basile le Grand, se fortifiaient à ses côtés dans la foi chrétienne. Quelle ironie du sort que la rencontre, aux approches de l’année 355, de ces trois condisciples !

Sur les problèmes, si attachans, que soulève l’histoire de cette