Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses préparatifs de défense. « Jamais il y eut de magasins plus mal approvisionnés que les nôtres ; tous les affûts sont pourris, il n’y a point de madriers pour établir de plates-formes et, si nous avions un siège à soutenir, tout serait hors de service en vingt-quatre heures… Nous n’avons que huit hommes pour la garde du fort et pas un seul sur nos remparts pour veiller sur les canons qui sont en batterie[1]. » La situation, qui nous est ainsi dépeinte en août, ne s’est pas améliorée en novembre. « Nous avons peu de bras… Nos remparts manquent de canons et de tous les attirails de guerre nécessaires pour la défense d’une place[2]. » De l’autre côté du Var, qui marque la frontière entre la France et les États sardes, à deux pas d’Antibes par conséquent, les émigrés s’agitent, s’organisent, préparent l’invasion du territoire français. Antibes, évidemment, est destinée à essuyer le premier choc. Elle n’en doute pas, du moins. « Des avis certains, que nous venons de recevoir de Nice, nous annoncent que les esprits y sont dans la plus grande fermentation, que les réfugiés y abordent de partout et en grand nombre, et que notre ville court des dangers parce que c’est contre elle qu’ils semblent diriger leurs forces, pour avoir une place de guerre et un point de réunion[3]… » Si peu en état qu’elle soit de résister à une attaque, Antibes n’est pas moins résolue à se défendre. « Nous sommes, messieurs, dans une situation véritablement critique… Cependant nous sommes loin de nous décourager. Le sang de nos anciens Provençaux coule dans nos veines, et nous le garderons toujours pur et sans tache. Nous avons juré de vivre libres ou mourir, et jamais nous ne fausserons notre serment[4]… » Marseille, à qui cette lettre est adressée, mande aussitôt à Toulon : « MM. les officiers municipaux d’Antibes nous écrivent que le sang des Phocéens coule dans leurs veines ; c’est ce même sang qui vous anime ainsi que nous, et qui nous fait chérir la liberté avec idolâtrie. Non, messieurs, un peuple qui a brisé ses fers ne les reprend pas, et nous pouvons attendre avec une tranquille fermeté les attaques des ennemis de la Révolution, certains qu’elles échoueront contre le bouclier du patriotisme[5]. » En même temps qu’à Marseille, Antibes avait annoncé à Toulon sa généreuse résolution

  1. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité d’Antibes du 9 août 1790 à celle de Toulon.
  2. Archives de Toulon. — Lettre du 22 novembre 1790, de la municipalité d’Antibes à celle de Marseille.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Archives de Toulon ; — Lettre de la municipalité de Marseille à celle de Toulon, du 27 novembre 1790.