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contenait que des pièces déjà publiées), c’était d’y retrouver encore l’influence des traditions classiques et l’adaptation de la métrique ancienne dans une partie des morceaux qui le composent. Or, c’est justement dans ceux qui sont écrits en vers rythmiques que les hymnographes ont su le mieux donner la mesure de leur talent ou de leur génie. La valeur littéraire de ces productions restait encore à établir. Le mérite de nous en avoir révélé l’importance, sinon l’honneur même de la découverte, revient, en premier lieu, à un Français, feu le cardinal Pitra.

Le révérend père Edmond Bouvy ne peut être, pas plus que l’éminent prélat, suspect de partialité pour l’église orthodoxe. Dans son livre sur les origines du rythme tonique[1], il nous fait voir, sans sortir tout à fait de son sujet, ce que l’hymnographie grecque a été.

« Au VIe siècle, nous dit-il (p. 195), il se forme deux sortes de prédications homilétiques. L’une reste à peu près conforme aux traditions de l’âge précédent ; elle expose et défend la doctrine, commente l’Écriture, exhorte à la vertu… Un autre genre de prédication est réservé aux grandes fêtes. Les orateurs en renom sont alors invités ; ils préparent leurs discours… Ce ne sont plus en réalité des œuvres oratoires, mais de véritables poèmes ; l’exclamation, le dialogue, la prosopopée, les figures les plus hardies de l’ancien lyrisme se succèdent sans transition, s’accumulent sans mesure, et l’orateur lui-même déclare souvent qu’il prononce non un discours, mais un cantique. »

Ces lignes éloquentes sur l’origine de la poésie religieuse sont faites pour augmenter nos regrets de ce que M. Krumbacher ait exclu de son livre, avec tout ce qui touche à la théologie, l’œuvre des orateurs ecclésiastiques.

« L’hymnographie grecque, dit encore le père Bouvy (préf., p. VII), n’est à aucun titre une imitation du lyrisme profane, elle est toute chrétienne dans le fond et dans la forme. Inspirée par la foi, dirigée par les évêques et les conciles, elle ne chante que dans les temples, et les rythmes qu’elle observe ne sont plus les mètres de l’ancienne prosodie, mais des rythmes nouveaux qu’elle a créés elle-même et adaptés à son usage, et où domine l’élément tonique, alors triomphant dans la langue populaire. »

Et ailleurs (p. 273) : « L’isosyllabie et l’homotonie sont les deux lois fondamentales du lyrisme byzantin. La prose devient de

  1. Poètes et mélodes. — Étude sur les origines du rythme tonique dans l’hymnographie de l’Église grecque, thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris, par le père Edmond Bouvy, des Augustins de l’Assomption ; Paris, 1888.