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littérature byzantine, — pour employer encore ce terme, — on ne saurait pas non plus dire, au juste, où elle finit. La date de 1453 s’impose sous plus d’un rapport. Avec la chute de Constantinople, l’empire grec s’effondre tout entier ; l’état chrétien périt. Cependant, l’Église surnage ; elle reste même, en quelque sorte, aux yeux de la nation asservie, comme l’ombre de l’état disparu. Elle conserva du passé tout ce qu’il était possible de conserver, au milieu du naufrage général. Parmi les épaves à sauver, on s’attache aux traditions littéraires, d’autant plus qu’elles incarnaient, à la fois, la religion et la nationalité. Tout ce qu’il y avait encore de culture littéraire se groupa autour de l’Eglise, se faisant, comme elle, un devoir de ne pas dévier des chemins déjà tracés.

D’autre part, à côté des lettrés attachés à la conservation du passé, une littérature populaire se faisait modestement jour. M. Krumbacher lui a consacré un chapitre spécial, à la fin de son livre. Les monumens que nous en possédons remontent jusqu’au Xe siècle ; les origines peuvent en être suivies plus loin encore. Avant comme après la chute de Constantinople, cette littérature vulgaire, s’exprimant dans la langue parlée et vivante, se permit de se produire à l’ombre de la littérature savante qui, elle, employait une langue que l’on persistait à écrire, après même qu’on eut cessé de la parler. Le cours de ces deux littératures a été parallèle pendant des siècles. Souvent l’une influa sur l’autre d’une manière latente et inconsciente. D’un côté, les lettrés, malgré leur dédain pour la langue populaire, se laissaient parfois aller à en adopter certaines formes ; de l’autre, on ne pouvait pas toujours oublier les leçons reçues à l’école, où l’on avait appris à écrire en étudiant, tant soit peu, la langue antique ou savante. Quoique ces deux courans n’aient pas encore abouti à une fusion, de leur influence réciproque est sortie une nouvelle langue littéraire qui, tout en penchant tantôt à droite, tantôt à gauche, se plie aux besoins multiples de notre société moderne et semble répondre aux besoins d’une Grèce régénérée.

Sans vouloir entrer dans le détail de cette question, bornons-nous à constater qu’en dehors de la littérature populaire, la plus grande partie de ce qui a été écrit par des Grecs, sous la domination ottomane et jusqu’au commencement de ce siècle, est une continuation fidèle des traditions littéraires du passé : la forme, la langue, ainsi que l’esprit, en justifieraient la classification dans la littérature byzantine. Quant à l’église elle-même, sa fidélité à ce passé ne s’est jamais démentie, et si l’on se référait aux mande-mens, aux prières ou aux services composés pour des occasions spéciales, et, en général, aux écrits émanant des chancelleries