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27 chambre, la pendule marquait trois heures cinq minutes; dans un quart d’heure le jour allait venir. Je me suis couchée, et me suis trouvée si malheureuse que je n’ai pas pu dormir. Je viens de me relever, et j’écris ces dernières lignes. Quand j’ai commencé, c’était l’aube, une bande blafarde à l’horizon. Autrefois, j’aurais été ravie de voir le lever du soleil ; et, en ce moment, est-ce que je sais seulement s’il y a un soleil! Je suis fatiguée, j’ai la tête lourde, mais cela m’est égal ; je me sens si malheureuse I Il faut dormir : je suis brisée. Mon Dieu! où vais-je ? Je n’ose rien dire à maman de tout ce que je ressens : elle me ferait partir, et il me semble que l’univers entier est ici, et ici je visi Je soufïre, mais je vis. Allons I — je suis folle. Quel intérêt si grand a-t-il donc pour moi? En vérité, tout ceci est un rêve ; c’est le cauchemar de la fièvre, l’effet de l’orage qui est dans l’air... Je déraisonne, il faut que cela cesse ; où qu’il aille, que m’importe? C’est un étranger pour moi : j’ai agi ce soir comme une visionnaire; personne ne le saura jamais. J’éteins, — il fait grand jouri

septembre. 

Je n’ai pas dormi une heure. Cependant, quand je me suis décidée à me lever, j’avais la tête un peu rafraîchie. J’avais pris la ferme résolution de bannir toutes les folles imaginations qui me tour- mentent, et de ne plus même songer à de certains sujets. Nous allons voir comment j’ai persévéré dans ma sage résolution. A 7 heures, je suis descendue au jardin. Marguerite et miss Grey y étaient déjà et cueillaient des fraises. Je les ai aidées. Au bout d’un instant Marguerite est partie chercher une seconde jatte. Restée seule avec miss Grey, j’ai réfléchi et hésité un instant. Puis j’ai pris ma résolution, et pour commencer probablement à « ne plus m’occuper de certains sujets : » — Je voudrais bien, miss Grey, vous demander l’explication d’une anomaUe que je trouve dans la conduite de M. de Lostange, ai-je dit d’un air dégagé. Elle s’est mise à rire et m’a répondu : — Je vous la donnerai très volontiers si je puis. ^ Vous dites que ce n’est pas un fat : vous me l’avez dit l’autre