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bien que par d’autres motifs, il crut devoir lui adjoindre, sous forme d’auxiliaire, un véritable surveillant. Le choix porta sur le ministre anglais à Vienne, Robinson, dont la situation en face de Marie-Thérèse, après tant de violentes altercations, était devenue très difficile, mais qui, en raison de son long séjour à Vienne, paraissait plus propre qu’un autre à trouver quelque moyen de taire sortir l’Autriche de sa position de bouderie hautaine. Robinson arrivait donc de Vienne, très froidement congédié par l’impératrice, et, par là même, très pressé d’en finir. Les quatre plénipotentiaires, auxquels se joignit le Hollandais, qu’on décida à revenir, formaient ainsi un congrès en miniature, qui se mit à l’œuvre sans retard, et tout marcha dès lors assez rapidement[1].

Du Theil était un esprit conciliant et un écrivain habile, fertile en expédiens pour ménager, par des rédactions heureuses, les amours-propres en conflit. Robinson, au contraire, était un Anglais de la vieille roche, prenant volontiers le ton dogmatique, et pensant tout emporter de haute lutte. Mais ni la douceur insinuante de l’un, ni la hauteur de l’autre, ne suffiraient à expliquer comment des difficultés qui, la veille, paraissaient insolubles, disparurent par enchantement. La vérité est que le retour de Saint-Séverin en compagnie et sous bonne garde fit comprendre à Kaunitz et par lui à Marie-Thérèse qu’ils n’avaient plus rien à attendre du langage ambigu de la France et du double jeu de son envoyé. Le mieux était donc de courber pour ce jour-là la tête sous la nécessité afin de mieux préparer la revanche du lendemain ; c’est ce que Saint-Séverin trouva encore moyen de faire entendre à l’oreille. — « Laissez finir ceci, dit-il à Kaunitz, après chacun pourra se faire un système à l’avenant de son goût, et c’est alors que l’Autriche nous retrouvera si elle nous cherche sincèrement et de bonne foi[2]. »

L’accord étant fait ainsi, par suite de cette résignation forcée, au fond des choses, la forme ne devait pas tarder à suivre. Successivement, en effet, la marche des Russes fut arrêtée par une convention intervenue entre les puissances maritimes, sous la condition que la France retirerait, en même temps, des Pays-Bas, un nombre de troupes sensiblement égal à celui que devait apporter ce corps auxiliaire. L’Autriche consentit à laisser rentrer les troupes hollandaises dans celles des places de la barrière dont les fortifications n’étaient pas démolies, moyennant une formule qui réservait ses droits de souveraineté. La garantie des cessions faites à la Sardaigne et à la Prusse qui arrachaient l’âme à Marie-Thérèse fut

  1. Coxe. Pelham administration, t. II, ch. XVII. — D’Arneth, t. III, ch. XIV, p. 25-49.
  2. Saint-Séverin à Puisieulx, 31 août 1748. (Correspondance de Bréda et d’Aix-la-Chapelle. — Ministère des affaires étrangères.)