Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir en aide dans les momens critiques, où cette assistance pourrait lui être nécessaire. Il a ajouté que personne n’avait jamais longtemps à s’applaudir d’une alliance avec la France, et qu’il connaissait trop bien le tempérament de la cour de France, pour ne pas savoir les exigences excessives qu’elle impose à ceux qui s’appellent ses alliés, de sorte qu’en réalité, être allié de la France, c’est être son esclave. Il savait, au contraire, m’a-t-il dit, que la situation des puissances maritimes les mettait en mesure de lui venir en aide plus efficacement. De ce côté un fond substantiel d’intérêts communs, les liens les plus forts de la religion, de la politique et du sang permettaient d’établir une alliance solide et sur laquelle on pourrait compter, principalement avec l’Angleterre. Si donc il avait été obligé de recourir par occasion à l’appui de la France, il savait où étaient les vrais et substantiels intérêts de son pays, et il était prêt, aussitôt que la paix générale le délivrerait entièrement de ses obligations envers la France, à entrer dans l’union la plus étroite et la plus cordiale avec les puissances maritimes pour la sécurité future des libertés de l’Europe. Et là-dessus il me donna la main et m’exprima le désir que j’écrivisse à ma cour afin d’obtenir les pouvoirs et les instructions nécessaires pour conclure une alliance défensive avec la Grande-Bretagne, dès que la guerre serait terminée. »

Legge, un peu surpris de la promptitude et de la franchise de l’ouverture, n’avait qu’à abonder dans un sens si conforme à ses instructions et à ses espérances. Mais comme il était loin de s’attendre encore à une si prochaine conclusion de la paix, il aurait désiré naturellement obtenir quelque promesse d’une application plus immédiate. D’ailleurs, il avait reçu à Aix-la-Chapelle, principalement du ministre hollandais, la commission de représenter au roi le danger que l’attaque vigoureuse portée par Maurice de Saxe sur le territoire de la république faisait courir à la religion protestante et de l’engager à s’y opposer au besoin par la force. Puisque le roi voulait, lui dit-il, avoir la Hollande pour alliée dans l’avenir, pourquoi souffrir qu’elle fût accablée dans le présent et laisser fermer ainsi la communication naturelle de l’Allemagne et de l’Angleterre ? Connaissant d’ailleurs qu’une des faiblesses de Frédéric était fa méfiance haineuse contre son voisin de Dresde, Legge ne manqua pas d’ajouter que le commandant de l’armée française était allié de la maison de Saxe et qu’on pouvait le soupçonner de travailler, en même temps qu’au succès de la France, à l’agrandissement de sa famille.

« Sa Majesté m’a répondu, continue Legge, qu’il y avait du vrai dans ce que je lui disais, mais qu’il ne lui était pas possible de prendre en ce moment aucune mesure qui le fit sortir de la